Aliénor Évreux
Conseillère juridique volontaire
Neuf mois. Cela fait 9 mois que je suis arrivée au Honduras et, à la veille de mon départ, un seul mot me vient en tête : merci. Merci à ce pays, merci aux personnes que j’y ai rencontrées, merci pour cette expérience professionnelle unique… merci pour tout!
Comme Capri, est-ce que Tegucigalpa, c’est fini? Pas tout à fait, même de l’autre côté de l’Atlantique. Demain, je n’aurai pas la chance de déguster une baleada, une Imperial à la main et de dire qu’il fait « frais » dès que le thermomètre descend en dessous des 25 degrés Celsius, mais cela ne veut pas dire que ce chapitre se termine pour autant. Grâce aux souvenirs et aux personnes que je vais m’empresser de vous présenter, je garde indubitablement un pied ici, au Honduras. Tegucigalpa-Paris, vous allez me dire, quel grand écart! Mais quelle expérience avant tout! Il me sera impossible d’être exhaustive et de vous décrire tous les sentiments qui m’animent aujourd’hui. Mais ce n’est pas grave, ce n’est pas l’objectif. Je veux simplement vous donner un aperçu des 9 mois qui viennent de s’écouler. Et pour cela, rien de mieux qu’une petite série de photos, pour vous transmettre un grand message. Je vous préviens, cette sélection n’est pas parfaite, mais c’est de cette parfaite imperfection que je veux vous parler aujourd’hui, celle de la coopération volontaire.
La première protagoniste de l’aventure : Tegucigalpa
Tegucigalpa, 3 juin 2019, 11h et des poussières. Après un atterrissage pour le moins chahuté, je suis bien arrivée dans cette vallée désignée depuis 1880 comme la capitale du Honduras. Tegucigalpa, signifie en nahuatl « Taguz-galpa » qui peut se traduire en « colline d’argent ». Avant d’être nommée ainsi par les Espagnols, Tegucigalpa avait été fondée en 1578 sous le nom de Real de Minas de San Miguel de Tegucigalpa pour l’activité principalement minière qui l’animait. De ville minière à capitale, il n’y avait qu’un pas à en croire Marco Aurelio Soto le président de l’époque. Aujourd’hui, depuis le parc du Picacho, le souffle coupé, il est possible d’observer l’effervescence de cette ville et de son million d’habitants.
Mes premiers pas au Honduras
La colocation avec María et Floriane m’a permis d’atterrir en douceur, en bonne compagnie. Ensemble, nous avons exploré les alentours de Tegucigalpa et acheté des plantes pour verdir notre appartement. Ces neuf mois débutaient à peine et déjà j’étais bien entourée.
Le travail a commencé sur les chapeaux de roues. J’ai été déployée auprès de l’Equipo Juridico por los Derechos Humanos, un partenaire d’avenir d’ASF Canada au Honduras et mon quotidien aux côtés de l’avocate coordinatrice du cabinet, Claudia Herrmannsdörfer, a débuté.
J’ai eu la chance, au cours de mon mandat, de travailler sur différents dossiers, mais mes premières tâches – et les plus marquantes – ont été reliées à un séminaire organisé par Somos Muchas. Somos Muchas est une organisation de la société civile hondurienne qui regroupe une diversité de femmes féministes, militantes et indépendantes de tout horizon agissant pour un but commun : l’avènement des droits des femmes et en particulier, leurs droits sexuels et reproductifs au Honduras. Leurs deux principaux chevaux de bataille sont la légalisation de la distribution de la pilule du lendemain (PAE) et la dépénalisation de l’avortement.
Pendant trois jours, Somos Muchas a rendu possible la rencontre inédite entre Monica Roa, une des avocates colombiennes à l’origine de la dépénalisation de l’avortement en Colombie en 2006 (décision n°C-355), et les militantes honduriennes. Ces trois jours ont été d’une grande richesse aussi bien sur le plan personnel que professionnel et n’ont fait que donner le ton aux neufs mois qui allaient suivre : des rencontres uniques, des forces infatigables, une volonté de changement, une solidarité, l’espoir d’un monde meilleur et surtout, la création d’outils tangibles pour faire de la mise en œuvre des droits humains une réalité.
Une impunité qui se retranscrit jusque sur les murs des villes
Parce que oui, neuf mois au Honduras, c’est aussi neuf mois à lire sur les murs les injustices et l’impunité que connait chaque jour ce pays. Entre l’assassinat de Berta Cáceres, celui de dizaines d’autres personnes qui ont eu le malheur de disparaître dans l’anonymat, les violations des droits des femmes incessantes et un difficile maintien de l’État de droit, la liberté d’expression tente de se frayer un chemin.
Vers une coopération féministe ?
Au fil des semaines, puis des mois, j’ai pris ma place et appris peu à peu à assumer mon rôle de coopérante volontaire. Mais cette dernière semaine de juillet 2019, ce n’est pas en tant que coopérante volontaire que je l’ai commencé. J’étais une femme. Avec toutes les facettes et le bagage historique que cela comporte. Cattrachas a eu l’idée de rassembler une multitude de femmes « défenseures des droits humains » de tout horizon professionnel et personnel, pendant une semaine, pour assister à un séminaire de formation théorique et pratique du féminisme. Du haut d’un privilège que je ne réalisais pas encore tout à fait, j’ai donc commencé ces 5 jours de formation en tant qu’observatrice, et la force des femmes que j’ai rencontrées là-bas et de leurs témoignages a été sans appel. Nous n’avions pas nécessairement besoin d’avoir vécu une histoire personnelle marquée au fer rouge pour être en empathie avec d’autres femmes qui elles, peut-être, n’avaient pas eu mon privilège. Ce séminaire a aussi été précieux tant il a permis de mettre sur le devant de la scène un sujet trop souvent oublié : l’intersectionnalité au cœur des luttes et donc en l’espèce, l’inclusion des personnes LGTTBI dans la notion large du féminisme ; des féminismes.
Merci à Cattrachas et à Guadalupe Ramos Ponce, Libertad Enriquez Abad et à Indyra Mendoza d’avoir animé ces cinq jours intensifs. Merci à l’ensemble du groupe pour cet espace de confiance et d’échange qui nous a permis de grandir ensemble. Les rencontres aident à se construire, c’est inévitable. Et aujourd’hui, je peux dire que le Honduras fut pour moi un incubateur à questionnements personnels.
Sur l’auteure
Aliénor Évreux est conseillère juridique volontaire au Honduras au sein du projet Gouvernance, justice et lutte contre l’impunité au Honduras, avec le soutien financier d’Affaires mondiales Canada.
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