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7 septembre 2023

« Le mandat de coopération volontaire auprès d’ASFC est l’occasion pour chaque coopérant d’apporter son grain de sel dans un projet de grande envergure grâce aux connaissances particulières, à la passion et à l’initiative dont chacun fait preuve »

 

– Me Frédérique Forget, avocate chez Monette Barakett S.E.N.C. (Barreau 2020)

 

 

Lorsque la législation nationale présente des lacunes en matière de prévention, de protection et de réparation de certains droits fondamentaux, il est parfois utile de se tourner vers les outils internationaux pour permettre une protection effective.

 

En tant que conseillère juridique volontaire au Salvador pour Avocats sans frontières Canada, j’ai eu l’opportunité d’analyser la situation juridique en matière de harcèlement sexuel au travail ainsi que dans les institutions d’enseignement supérieur pour y identifier les enjeux, sensibiliser la société civile à la thématique, suggérer des bonnes pratiques aux employeurs ainsi que développer des idées de recommandations à faire en vue d’un plaidoyer à l’État. Ainsi, j’ai pu mettre à profit mes connaissances harcèlement au travail acquises au cours des trois dernières années durant lesquelles j’ai exercé au sein d’un cabinet spécialisé en droit du travail.

 

Dans le cas du harcèlement en milieu de travail, l’Organisation international du travail (ci-après : « L’OIT ») a adopté, le 10 juin 2019, la convention no 190 portant sur la violence et le harcèlement au travail. La république du Salvador a signé la convention le 7 juin 2022 et celle-ci entrera en vigueur le 7 juin 2023. La convention n° 190 et la recommandation n° 206, apportant des précisions et éclaircissements à la convention, sont les premières normes internationales du travail qui offrent un cadre commun permettant de prévenir, de combattre et d’éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre[1]. Il s’agit également de la première norme internationale qui reconnait que la violence et le harcèlement au travail constitue une violation aux droits humains.

 

La Convention prévoit que l’État doit non seulement prendre des mesures pour prévenir le harcèlement en milieu de travail, mais également adopter une législation qui prescrit aux employeurs d’adopter une politique portant sur le harcèlement en milieu de travail.

 

Puisque le Salvador s’est engagé conventionnellement à adopter une législation définissant et interdisant la violence et le harcèlement dans le monde travail, et ce, avant l’entrée en vigueur de la convention, j’ai analysé la convention pour sensibiliser la société civile aux obligations qui devront être respectées à partir du 7 juin 2023.

 

De ce fait, j’ai bâti une formation afin de sensibiliser les employeurs et les organisations sur le sujet tout en les encourageant à adopter une politique interne, afin d’être prêt.e.s lorsque le gouvernement adoptera une législation nationale leur imposant l’adoption d’une politique. Cette formation a été donnée à des représentants d’entreprises, ONG et autres acteurs de la société civile.

 

De pair avec la formation, j’ai rédigé des recommandations à partager à des partenaires en vue d’un plaidoyer à l’État. J’ai également eu la chance de participer à une émission de radio pour sensibiliser la population à l’entrée en vigueur de la convention dans les prochaines semaines.

 

Parmi les autres mandats qui m’ont été confiés par l’équipe d’Avocats sans frontières Canada au Salvador, j’ai eu l’opportunité de participer à un panel de discussion sur le sujet du harcèlement sexuel dans les universités.

 

Cette activité s’est déroulée dans un contexte particulièrement tendu, alors que plusieurs étudiantes souhaitaient dénoncer la criminalisation de jeunes femmes universitaires qui avaient eu le courage de dénoncer publiquement des actes de violence basées sur le genre commis par des enseignants et membres du personnel.

 

En tant qu’avocate volontaire canadienne, j’ai discuté de pistes de solutions légales pour l’avenir et des bonnes pratiques que les universités pourraient adopter, à la lumière des pratiques adoptées au Québec. J’ai ainsi discuté de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur, adoptée en 2017 par le gouvernement du Québec ainsi que des obligations imposées aux institutions d’enseignement supérieurs québécoises par cette loi.

 

Il a été hautement gratifiant de pouvoir constater que mes connaissances acquises antérieurement peuvent être transposables et applicables dans le cadre du projet Unid@s et qu’elles pouvaient permettre une sensibilisation menant à une avancée pour les victimes de violence fondée sur le genre.

 

Le mandat de coopération volontaire avec ASFC a été l’occasion pour moi de me mettre au défi et de croitre sur tous les plans. J’ai eu la chance d’acquérir des connaissances et une sensibilité en matière de violence fondées sur le genre, compétences qui seront grandement utiles dans le cadre de mes expériences futures. J’ai été sensibilisée à des enjeux bouleversants et pu répondre à mon besoin de contribuer à l’accès à la justice des personnes les plus vulnérables. J’ai également pu perfectionner ma troisième langue au point de répondre à des questions techniques juridiques spontanées à l’occasion d’entrevues.  Or, par-dessus tout, ce qui va rester en moi pour toujours et qui a marqué d’avantage ce mandat de coopération volontaire, ce sont les relations interpersonnelles développées au cours de cette expérience mémorable au Salvador.

 

 

[1]  Organisation International du Travail, Convention (n° 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, préambule en ligne : https://www.ilo.org/dyn/normlex/es/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:C190, [consulté le 18 avril 2023].