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24 avril 2025

Des victimes d’esclavage par ascendance de la région de Kita au Mali ont reçu une copie des 17 nouveaux articles de loi introduits au Code pénal malien qui criminalisent l’esclavage © King Massassy

Avocats sans frontières Canada (ASF Canada) appuie depuis 8 ans l’association malienne TEMEDT dans son plaidoyer contre l’esclavage par ascendance au Mali, avec le soutien financier d’Affaires mondiales Canada. Le 14 décembre 2024, le Conseil national de Transition a approuvé une nouvelle mouture du Code pénal qui criminalise de manière explicite l’esclavage et les pratiques assimilées, incluant ainsi l’esclavage par ascendance. Il s’agit d’une avancée sans précédent qui pourrait redonner espoir aux 800 000 victimes de cette pratique traditionnelle néfaste.

 

L’esclavage par ascendance repose sur l’assignation à la naissance d’un statut d’esclave à une personne née de parents eux-mêmes esclaves. Elle se fonde sur des coutumes et des traditions au sein de certaines communautés hiérarchisées dans lesquelles la personne dite esclave ne peut ni revendiquer ni exercer pleinement ses droits.

 

Dans sa version précédente, le Code pénal ne reconnaissait l’esclavage qu’en son sens strict, omettant des situations d’ordre sociétal ou économique entraînant d’autres formes d’esclavage, comme l’esclavage par ascendance. En effet, l’article 324-15 élargit cette définition en intégrant des pratiques assimilées à l’esclavage. C’est le cas du servage, qui lie une personne à une terre de laquelle elle n’est pas considérée comme la propriétaire et lui impose de l’entretenir sous contrainte sans possibilité de changer sa condition.

 

L’introduction de cette nouvelle disposition légale fait écho aux demandes formulées jusque dans les instances internationales par l’Association TEMEDT et ASF Canada dans le cadre du projet «Appui à la Justice et la Paix au Mali (JUPAX)» pour mettre fin à l’esclavage par ascendance au Mali. Elle s’inscrit dans la continuité de plusieurs gains pour les victimes de cette pratique néfaste, dont la confirmation par la Cour suprême de leur droit à la propriété foncière.

 

Une meilleure protection pour les femmes victimes d’esclavage par ascendance

 

Le nouveau Code pénal malien offre des protections supplémentaires aux femmes victimes d’esclavage et de traite, qui sont exposées de manière disproportionnée aux violences qui en découlent © King Massassy

 

Les femmes victimes d’esclavage par ascendance au Mali subissent une double vulnérabilité, à la fois liée à leur statut hérité d’esclave et à leur genre. En plus d’être considérées comme « nées pour servir » en raison de leur ascendance, elles sont exposées à des violences sexuelles, à des mariages forcés et précoces, ainsi qu’à l’exploitation domestique ou économique.

 

Le nouveau Code pénal ne reconnaît pas la spécificité des violences subies par les femmes réduites en esclavage. Toutefois, il criminalise explicitement l’esclavage sexuel (article 324-14) et rend illégal le mariage forcé d’une femme esclave (article 324-19). Dorénavant, toute personne contrainte à des actes sexuels par abus de pouvoir, qu’il résulte de l’achat, du prêt ou de l’échange d’une personne, est protégée par cette législation. L’article 324-19 marque également un progrès significatif en qualifiant systématiquement de viol tout rapport sexuel dans le cadre d’un mariage forcé imposé en situation d’esclavage. Ces dispositions sont des avancées législatives majeures.

 

Cependant, leur portée est encore limitée. Le poids des normes sociales et le silence imposé par la réprobation sociale rendent difficiles l’identification, l’accompagnement holistique et l’émancipation des femmes victimes d’esclavage par ascendance.

 

Les autorités doivent prendre toutes les mesures pour appliquer ces nouvelles lois

 

Le nouveau Code pénal malien introduit 17 nouveaux articles portant sur différentes formes d’esclavage (324-12 à 324-28), qui renforcent le cadre législatif de lutte contre l’esclavage et les pratiques assimilées. Elles sont disponibles dans leur forme complète dans la bibliothèque malienne pour les droits humains Sariya Ko Mun? Que dit la loi?.

 

Les dispositions ajoutées au Code pénal malien sont une avancée indéniable pour les droits humains au Mali. Cependant, pour que cette avancée profite aux personnes qui en ont le plus besoin, ces lois doivent être pleinement diffusées et appliquées. Les agent.e.s publics doivent notamment saisir le Procureur de la Republique pour toute situation d’esclavage connus, comme le demande l’article 324-26 du Code pénal. Cette obligation de dénonciation, assortie de sanction en cas de complicité ou de non-action, fait des agents et des agentes publics des acteurs clés dans la prévention et la répression de l’esclavage au Mali.

 

Les autorités maliennes doivent travailler en collaboration avec les organisations de défense des droits humains comme l’association TEMEDT pour garantir une véritable protection aux victimes et empêcher la perpétuation de l’esclavage sous toutes ses formes.

 

Sur le projet projet «Appui à la Justice et la Paix au Mali» (JUPAX)

 

Le projet JUPAX, mis en oeuvre de 2021 à 2025, a contribué à l’autonomisation par le droit des femmes, filles et autres personnes en situation de vulnérabilité afin qu’elles puissent transformer leurs droits humains en réalité dans une perspective d’égalité des genres, de transformation des relations de pouvoir, de réconciliation et de paix au Mali.

 

Depuis son lancement, il a permis de renforcer la relève générationnelle en droits humains au Mali, de combattre l’impunité et faire entendre les voix des victimes.

 

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