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8 mai 2023

A police officer in the city of Lviv, Ukraine.

Un officier de police dans la ville de Lviv, en Ukraine.

Le 15 février, la police de Lviv a placé en garde à vue un homme accusé d’avoir agressé sexuellement sa fille lorsqu’elle était mineure. Il s’agit d’un tournant majeur dans la quête de justice de cette survivante, obtenu grâce à l’assistance judiciaire de l’Association d’avocates ukrainiennes «JurFem», avec le soutien d’Avocats sans frontières Canada.

 

Le père, un prêtre ukrainien, est actuellement en détention provisoire sans possibilité de libération sous caution. C’est un soulagement pour la survivante qui a courageusement engagé des poursuites pénales contre lui il y a près de deux ans, après avoir porté ce fardeau seule pendant huit ans.

 

Au cours de l’été 2021, la survivante – une fois adulte – s’est tournée vers JurFem, le partenaire d’ASFC, en dernier espoir. À l’époque, elle avait déjà sollicité l’aide d’un psychologue, qui avait tenté de la persuader de se taire. La dénonciation d’un ecclésiastique, considéré comme « intouchable » en Ukraine, pourrait avoir pour conséquence de la stigmatiser, selon lui. Le risque d’être désapprouvé par sa famille l’a empêchée jusqu’alors d’engager des poursuites pénales.

Sa demande de justice a été ignorée longtemps.

 

«Le problème, c’est que personne ne la croyait. Personne ne pouvait croire qu’elle disait la vérité, parce que son père est un homme d’Église. Les autorités ont enquêté, l’ont interrogée et l’ont soumise à un détecteur de mensonges. Après, rien», raconte Oleg Ivanov, l’avocat de la survivante.

 

L’avocat de JurFem, Oleg Ivanov, a représenté les intérêts de la survivante. Il a réussi à convaincre le procureur de délivrer un mandat de perquisition pour fouiller l’appartement de l’homme. De nombreux disques durs contenant des milliers de fichiers pédopornographiques ont été découverts.

 

«La victime a de nouveau été interrogée. Elle s’est identifiée, a identifié son père, les épisodes où cela s’est produit et ce qui s’est passé exactement. Les preuves électroniques coïncident avec son témoignage. Son père a été inculpé», ajoute-t-il.

 

Malheureusement, son histoire n’est pas unique. Force est de constater que les personnes qui survivent à des violences sexuelles sont peu enclines à signaler leur cas aux autorités, craignant d’être à nouveau traumatisées, de ne pas être crues et/ou d’être stigmatisées.

 

La preuve électronique, un élément clé dans la poursuite de l’accusé

 

Les normes ukrainiennes en matière de preuve reposent encore à majorité sur l’examen médical de la victime pour prouver la commission d’un acte de violence sexuelle. C’est un fardeau pour la victime. Cet examen ne peut être effectué que par un nombre limité d’expert·e·s médicaux dans les 72 heures suivant la commission du viol.

 

ASFC a organisé des formations avec les avocat·e·s membres et associé·e·s de JurFem afin de renforcer leurs capacités en ce qui concerne la présentation de nouveaux types de preuves dans les cas de violence sexuelle liée à un conflit, y compris l’utilisation de la preuve circonstancielle. Ces dernières ont été indispensables à l’arrestation de cet homme.

 

Le succès de cette affaire élargit le champ des preuves qui peuvent être présentées aux juges dans les cas de viol. Cela représente un changement radical qui s’étend au-delà du présent cas, favorisant l’accès des survivant·e·s à la justice en Ukraine.

 

ASFC a soutenu JurFem dans cette affaire dans le cadre de son projet « Impact du conflit armé sur les femmes et les filles », mis en œuvre grâce au soutien financier du gouvernement du Québec. Ce projet est maintenant terminé, mais l’engagement de l’organisation pour la cause de JurFem demeure.

 

«Il reste une très grande quantité de preuves électroniques non traitées. Une enquête est en cours. Les personnes responsables de l’enquête cherchent également à savoir s’il y a d’autres victimes», affirme l’avocat Oleg Ivanov.

 

Les preuves, enregistrements, vidéos et photographies, seront examinées au cours du procès.

Une Ukrainienne sur quatre déclare avoir subi des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Le développement de cette expertise en Ukraine est une avancée encourageante pour les victimes d’agressions sexuelles. Elles pourraient désormais se sentir plus confiantes pour demander justice et dénoncer le ou leurs bourreaux, sachant que d’autres types de preuves – moins intrusives et moins susceptibles de les revictimiser – sont disponibles pour soutenir leur dossier.

 

Cet article a été rédigé sur la base d’informations fournies par l’Association d’avocates ukrainienne «JurFem», qui est possible de suivre sur LinkedIn, Facebook et Instagram.

 

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