• Actualités

8 mars 2023

Un an s’est écoulé depuis l’invasion massive des forces russes en Ukraine. Le quotidien de millions de personnes est depuis chamboulé, leur avenir redessiné. C’est dans ces circonstances exceptionnelles que l’Association d’avocates ukrainiennes « JurFem », partenaire d’Avocats sans frontières Canada (ASFC), a évolué pour lutter contre les violences sexuelles qui ont, comme trop de bombes, explosé depuis le début du conflit. Les femmes et les filles sont les premières touchées.

 

JurFem est l’une des premières organisations en Ukraine à faciliter l’échange de connaissances et d’expériences en soutien aux femmes dans la profession juridique. Avant la guerre, elle s’employait à résoudre les problèmes auxquels ces professionnelles pouvaient être confrontées dans leur carrière. En temps de guerre, elles ont mis cette communauté au service d’autres femmes.

 

« Notre travail a définitivement évolué la dernière année et s’est ancré autour du conflit, particulièrement des violences sexuelles qu’il génère. »

 

Marta Pavlyshyn, spécialiste du Centre d’éducation de Jurfem

 

L’équipe de JurFem à l’Académie des femmes défenseures des droits humains © JurFem

 

Les enquêtes ont déjà permis d’identifier plusieurs cas de violences sexuelles. La première dame, Mme Zelenska, a déclaré au début du mois de mars 2023 que le bureau du procureur ukrainien enquêtait sur 171 cas. Le bilan réel est beaucoup plus élevé.

 

Le stigma qui perdure en lien avec les violences sexuelles et les nécessaires adaptations du système juridique au contexte de conflit rendent difficiles de déterminer le nombre exact de cas de violences sexuelles.

 

« Depuis le début de l’invasion, les victimes sont plus réticentes à dénoncer. Certaines personnes pensent que ce n’est pas le moment de s’occuper de cela, et que l’énergie doit être portée sur l’effort de guerre. »

 

Marta Pavlyshyn, spécialiste du Centre d’éducation de Jurfem

 

La violence du conflit a poussé 7 millions de personnes à s’exiler jusqu’à présent. En grande majorité constitués des femmes et des enfants, ces importants mouvements de population augmentent les risques de traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé et de déplacement forcé.

 

Trouver vocation dans le chaos

 

Les jeunes avocates courageuses qui composent JurFem, basées à Lviv, mais actives dans toutes les régions, font preuve aujourd’hui de solidarité, combativité et agilité pour apporter un soutien juridique aux victimes de violences sexuelles.

 

La ligne d’appel d’urgence pour les victimes de discriminations et de violences sexuelles qu’elles ont mise sur pied après le début du conflit leur permet d’appuyer des dizaines de personnes chaque mois, malgré un contexte extrêmement difficile.

 

« Le principal défi est l’invasion en elle-même: les attaques de missiles et les coupures d’électricité qu’elles provoquent. Mais, nous avons toujours plusieurs plans B, C. Nous poursuivons notre travail quoi qu’il arrive. »

 

Marta Pavlyshyn, spécialiste du Centre d’éducation de Jurfem

 

ASFC a constaté plus d’une fois la résilience de son partenaire au courant des 6 derniers mois de collaboration, rendue possible par le soutien financier du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec.

 

JurFem a proposé des amendements pour pallier les lacunes du cadre juridique ukrainien afin qu’il réponde aux besoins des victimes de violences sexuelles liées au conflit. L’organisation a également produit du matériel pour faciliter les enquêtes, dont le bureau du procureur général ukrainien se sert pour former ses équipes dans les régions, comme à Kherson où une vaste entreprise de récolte de preuves a récemment été lancée après la libération de la ville.

 

Les avocates Kateryna Shunevysh et Daria Rosokhata travaillent sur les stratégies de plaidoyer de JurFem © JurFem

 

« C’est un travail difficile à appréhender et qui doit être soutenu de manière permanente. Même quand la guerre aura pris fin, nous devrons faire face aux nombreuses conséquences de l’après-guerre. Nous devrons continuer à apporter un soutien aux victimes dans le long terme pour qu’elles obtiennent justice et réparation. »

 

Marta Pavlyshyn, spécialiste du Centre d’éducation de Jurfem

 

Le Barreau de Québec a fait don de 2500$ en décembre dernier, au terme d’une campagne de financement interne, pour soutenir la programmation d’ASFC en Ukraine. L’engagement de la communauté juridique québécoise à la faveur de la cause de ces avocates a été accueilli par l’organisation avec beaucoup d’enthousiasme, même si tant reste à faire.

 

Aujourd’hui, c’est plus 71 000 crimes de guerre qui sont rapportés par les autorités ukrainiennes. En dépit de l’effort de lutte contre l’impunité sans précédent promu en premier lieu par les associations engagées comme JurFem, il est probable que les fortes attentes de réparation des victimes ne puissent être répondues. Ce travail, par contre, vient offrir au peuple ukrainien ce dont il a besoin en cette période : de l’espoir.