Aminata* a 13 ans lorsqu’elle entre dans les bureaux de PROMODEF, une clinique de services d’aide juridique et d’assistance judiciaire, appuyée par le projet PLURIELLES, auquel contribue Avocats sans frontières Canada.
Son mari est deux fois plus âgé qu’elle. Cet homme lui a fait subir plusieurs viols conjugaux, qui lui ont laissé des blessures sévères. Elle n’a pas d’argent et est dans un état critique.
Lors de son audition, Aminata affirme avoir fui son village. Kita, où elle est venue chercher refuge, est située sur la ligne de chemin de fer du Dakar-Niger, au nord-ouest de la capitale malienne, à plusieurs centaines de kilomètres d’où elle vit. D’abord recueillie par des locaux, elle est amenée à une station de radio, puis atterrit au bureau de PROMODEF.
Son histoire est singulière, mais loin d’être unique. PROMODEF affirme que l’année suivant la fondation de sa clinique juridique, la moitié des cas portés à leur attention concernait des mariages d’enfant et/ou forcés.
« Nous n’allons plus jamais commettre une telle erreur », ont affirmé les parents d’Aminata.
Suivant son arrivée à la clinique, les procédures se sont enchaînées rapidement. Aminata est prise en charge par un réseau de partenaires internationaux: elle reçoit des soins et l’essentiel pour assurer son confort. PROMODEF retrouve ses parents. Le procureur de la République est interpellé. Un dossier est présenté au tribunal de grande instance de Kita.
Il est découvert qu’aucune preuve n’atteste du mariage de la jeune fille. Les célébrations auraient été coutumières. Un mariage coutumier n’est pas authentifié par une procédure d’enregistrement et, par conséquent, n’a pas de valeur juridique.
Sous les recommandations de la clinique et du procureur, le mariage est annulé par les parents, au grand soulagement de la survivante.
Après des mois de traitement, Aminata est retournée dans son village avec ses parents. Elle est en bonne santé. La clinique continue de suivre sa situation, avec l’appui de ses partenaires, notamment ASF Canada.
Le mariage d’enfants, une réalité malienne et mondiale
Le Mali est le 4e pays dans le monde, selon les données accessibles, où le mariage d’enfants est le plus pratiqué. Plus de 7 millions de femmes et de filles – les deux tiers – y sont entrées en union avant l’âge de 18 ans, soit avant la majorité légale prévue par la Constitution malienne.
Des voix s’élèvent aujourd’hui plus fortement contre cette pratique. Plusieurs organisations de la société civile demandent, allant à interpeller directement les autorités maliennes, à ce qu’au minimum soit respecté l’âge légal pour se marier prévu par le Code des personnes et de la famille, qui abaisse de manière discriminatoire celui des femmes à 16 ans.
Il est estimé que d’ici 2030, plus de 70 millions d’enfants seront mariés de force dans le monde. 88% des victimes sont des femmes et des filles. Des initiatives, comme le projet PLURIELLES, visent à ce qu’elles aussi puissent y échapper.
Avec le soutien financier du gouvernement du Canada, le projet PLURIELLES cherche à contribuer au renforcement de la santé et des droits sexuels et reproductifs des Béninoises, des Burkinabè et des Maliennes. Il mise sur les approches complémentaires d’Avocats sans frontières Canada, de la Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI) et de Santé Monde (CCISD) pour y parvenir.
Si rien de plus n’est fait, les Nations Unies évaluent qu’au rythme actuel il faudra 300 ans pour éliminer le mariage d’enfants. Ses objectifs pour le développement durable mettent le cap sur 2030. ASF Canada entend faire tout son possible pour appuyer des initiatives signifiantes permettant de réaliser des percées et avancées contre cette pratique.
*Pseudonyme utilisé pour assurer la confidentialité et sécurité de la personne