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2 janvier 2024

Formation sur le plaidoyer en matière de droits sexuels et reproductifs donnée en 2023 à Port-au-Prince. © ASFC

Les inégalités des genres et la déficience du cadre légal en Haïti sont d’importants obstacles à la capacité des femmes et des adolescentes à exercer leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive. C’était le constat de l’analyse juridique qu’a fait Avocats sans frontières Canada (ASFC) de la législation haïtienne relative à l’autonomie sexuelle et reproductive, produite en 2023. L’organisation en tire maintenant son carburant pour mobiliser la société civile haïtienne.

 

La dernière année, une quarantaine d’organisations de la société civile présentes à Jacmel et Port-au-Prince ont pris part à diverses formations offertes par l’équipe d’ASFC dans le cadre du projet « Femmes et filles debout avec dignité pour nos droits sexuels et reproductifs », communément connue sous le l’acronyme FANMKAD. En tout, plus de 120 personnes engagées ont renforcé leur expertise à promouvoir l’autonomie sexuelle et reproductive, spécifiquement dans le contexte haïtien. Ce sont pour elles des munitions essentielles dans la défense des droits des femmes, particulièrement mis à mal en 2023.

 

Au mois de mai 2023, des dizaines de femmes et filles ont été victimes de viols collectifs dans le cadre d’attaques armées, notamment à Source Matelas, localité du département de l’Ouest. Une situation grave, qui s’infiltre aussi dans certaines prisons, où aucune séparation n’est faite entre les hommes et les femmes. C’est le cas de la prison civile des Gonaïves, aussi théâtre de viols collectifs.

 

Comme le note l’analyse d’ASFC, la violence à l’égard des femmes est exacerbée par plusieurs dispositions de la législation haïtienne qui encourage l’impunité : l’absence de consentement libre et éclairé n’est pas considérée comme élément central du crime de viol, qu’une liste réduite de situation où le viol est jugé comme un crime est détaillée et ne reconnaît pas le viol conjugal.

 

Le changement, entre les mains de toutes et tous

 

La société civile haïtienne a analysé en profondeur le cadre législatif, notamment les Codes pénal, civil du travail, lors d’ateliers organisés par ASFC, permettant de mettre en évidence leurs limites en matière d’autonomie sexuelle et reproductive des femmes par rapport à ce que prévoient les instruments juridiques internationaux, parmi lesquels figure notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme.

 

Des membres de la société civile haïtienne échangent à distance avec des personnes expertes en matière de plaidoyer et de droits sexuels et reproductifs. © ASFC

 

Ces ateliers ont permis de développer un plaidoyer qui répond aux besoins et aux défis auxquels les femmes et les adolescentes font face en matière de santé sexuelle et reproductive. Les personnes intéressées à défendre et lutter en faveur des droits sexuels et reproductifs en Haïti peuvent se référer à cette fiche informative, mise à disposition par ASFC. En plus de vulgariser la législation haïtienne en matière de droits sexuels et reproductifs, elle oriente sur les actions à prendre pour une meilleure prise en compte de la perspective de genre dans la législation et auprès de quelles institutions ce plaidoyer devrait être mené.

 

Un impact concret pour FANMKAD dans la communauté

 

Le projet FANMKAD, grâce au soutien financier d’Affaires mondiales Canada, en plus de former les organisations locales, appuie des services d’accompagnement psychosocial et juridique que certaines de ces mêmes organisations offrent aux femmes et aux adolescentes.

 

Grâce à la prise en charge du Cabinet d’Avocat.es spécialisé.es en litige stratégique de droits humains (CALSDH), un partenaire de mise en œuvre du projet FANMKAD, une jeune mère emprisonnée en Haïti a gagné sa cause auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), qui a sommé l’État haïtien de veiller à ce qu’elle reçoive un traitement médical adéquat. Par cette même résolution, la CIDH a mis en lumière les conditions de détention exécrables dans lesquelles vivent les femmes détenues en Haïti, une première.

 

Ce cabinet, à l’heure actuelle, a une dizaine de dossiers actifs, dont au moins 5 ont été judiciarisés, tous concernant des cas de violences sexuelles envers des adolescentes.

 

Ces avancées, en dépit d’un contexte très difficile, participent à creuser l’appétit des acteurs et des actrices qui veulent changer les choses et qui constatent que c’est possible.

 

FANMKAD, dont la mise en œuvre est assurée par ASFC, Care Canada et Santé Monde, table sur cette motivation pour contribuer à un renouveau pour les droits sexuels et reproductifs en Haïti.