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20 novembre 2018

Par Liza Yelle

Conseillère juridique volontaire d

 

Le mercredi 14 novembre, l’audience a débuté par un témoin de la défense, appelé par l’accusé Sergio Rodriguez Orellana. La dame appelée à la barre habite dans la zone où se développe le projet Agua Zarca. Elle a déclaré que Sergio Rodriguez Orellana était venu chez elle afin de faire un paiement pour les dommages causés à son terrain par la machinerie du projet Agua Zarca. Ils avaient précédemment conclu une entente afin de permettre un droit de passage sur leur terrain, mais l’entreprise avait finalement endommagé beaucoup plus que ce qui était convenu, raison pour laquelle elle a dû les indemniser.

 

Sergio Rodriguez Orellana était donc chez elle, soit dans un autre département que celui où s’est déroulé le crime qui a mis fin à la vie de Berta Caceres. Le témoin n’a toutefois pas été d’une grande aide, puisqu’elle a seulement pu affirmer qu’il était venu chez elle une journée avant qu’elle commence à voir des nouvelles à la télévision de l’assassinat. Aucune précision n’a été faite quant à la date précise de cette visite. Il est important de préciser que le ministère public n’a jamais allégué que l’accusé avait été sur les lieux du crime.

 

C’est finalement après ce témoignage qu’a débuté l’expertise portant sur la triangulation des réseaux téléphoniques et des données cellulaires de l’experte Brenda Barahona. Cette expertise était très attendue, car il s’agit de la preuve principale impliquant les accusés dans l’assassinat de Berta Cáceres. L’expertise compterait plus de 480 pages.

 

L’experte a d’abord expliqué comment elle avait fait son analyse et l’information qui a été prise en compte pour établir ses conclusions. Elle a utilisé l’information obtenue par les antennes et les registres des compagnies téléphoniques ; les extractions des téléphones de la victime et des appareils perquisitionnés des accusés ; et l’information obtenue des interventions téléphoniques des accusés. Il est important de rappeler que selon les enquêteurs, plusieurs téléphones n’ont pas pu être débloqués ou l’on n’a pas pu extraire leur information en raison de l’incompatibilité de leur programme.

 

Madame Barahona a expliqué comment ils ont réussi à isoler cinq numéros de téléphone suspects qui se trouvaient dans la zone du quartier où habitait Berta Cáceres, dans la nuit du 2 mars 2016, entre autres grâce à l’information fournie par les compagnies téléphoniques. Ces numéros auraient été utilisés par Edilson Duarte Meza, Elvin Rapalo Orellana, Henry Javier Hernandez et Oscar Torres Velasquez.  Par la suite, une analyse des numéros de téléphone suspects et de leurs communications a permis d’identifier d’autres numéros suspects comme celui de Douglas Geovanny Bustillo, Mariano Diaz, Sergio Rodriguez Orellana et David Castillo.

 

L’experte a ensuite commencé à présenter de manière détaillée les liens entre les numéros enquêtés grâce aux registres des compagnies téléphoniques, et ce, en considérant le nombre de communications qu’ont eu les numéros entre eux, les numéros avec qui ils ont eu des communications en commun et l’endroit où ils se trouvaient lorsqu’ils communiquaient.

 

Écoutes de lignes téléphoniques

 

En après-midi le 15 novembre, l’experte a continué à présenter sa preuve en s’intéressant à l’information enregistrée par l’unité d’intervention. On y retrouve des enregistrements audios et des synopsis des écoutes effectuées par les techniciens d’intervention téléphonique. Une fois qu’on avait identifié des numéros considérés comme suspects, les enquêteurs ont demandé à ce que leur ligne téléphonique soit écoutée.

 

L’écoute de la ligne téléphonique de Mariano Diaz est particulièrement utile pour les fins de l’enquête puisque son téléphone cellulaire perquisitionné par la police n’a jamais pu être débloqué par les techniciens du ministère public, donc presque aucune donnée n’a pu être extraite. De plus, en formulant la demande d’intercepter cette ligne, les enquêteurs ont appris qu’elle était déjà sous écoute dans un dossier de trafic de drogue. Il y a donc des écoutes pertinentes réalisées avant que Berta Cáceres soit assassinée. Au cours de l’audience, l’experte a fait écouter au tribunal plusieurs appels, dans lesquels on apprend des détails sur la possible implication de l’accusé dans la planification, la facilitation et la commission du crime. Les écoutes se sont poursuivies durant l’audience du vendredi 16 novembre.

 

Poursuite de l’analyse de données des téléphones cellulaires des accusés

 

Le samedi 17 novembre, la partie sur les interventions téléphoniques s’est poursuivie, puis l’experte a commencé à présenter ses résultats relativement aux extractions des données téléphoniques du cellulaire de Berta Cáceres, des téléphones perquisitionnés des huit accusés et de David Castillo, présumé auteur intellectuel et accusé dans un autre procès. L’experte a pris bien soin de faire le lien entre chaque appareil, les numéros de téléphone et leurs utilisateurs. Elle a expliqué le nombre et les dates des communications que les accusés ont eues entre eux, identifié certains de leurs contacts, le nombre d’appareils utilisés pour un numéro, ainsi que leur localisation lors de communications.

 

L’experte a présenté plusieurs conversations pertinentes en lien avec le crime que des accusés ont eu par messages texte ou dans des groupes WhatsApp. Toutefois, la défense s’est opposée à ce que l’experte lise tous les messages sélectionnés afin d’éviter qu’il y ait de la répétition. Le tribunal lui a donc demandé de seulement présenter ses conclusions et les résumés des conversations pertinentes.

 

L’experte a aussi présenté les recherches internet effectuées par les accusés. Douglas Geovanny Bustillo aurait notamment cherché des images de Berta Cáceres alors qu’il se trouvait prétendument dans la ville de la Esperanza pour des missions de reconnaissance, soit le lieu où le crime a été commis. Il aurait aussi cherché de manière extrêmement fréquente des articles sur la victime et l’enquête ultérieurement à la date de l’assassinat. L’experte a aussi identifié des photos pertinentes dans le téléphone de ce même accusé qui datent du 24 février 2016, dont une où l’on voit une maison verte qui semble être la demeure de la victime et une où l’on voit une femme qui semble être Berta Cáceres qui se promène dans la rue.

 

Sur l’auteure 

 

Liza Yelle est conseillère juridique volontaire d’Avocats sans frontières Canada (ASFC) dans le cadre du projet « Justice, gouvernance et lutte contre l’impunité au Honduras ». Liza participe actuellement à l’observation du procès de Berta Cáceres en coalition avec différentes organisations nationales et internationales de droits humains. Le projet est réalisé avec l’appui du gouvernement du Canada, accordé par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.