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23 novembre 2018

Par Liza Yelle

Conseillère juridique volontaire

 

Le lundi matin 19 novembre, l’experte Brenda Barahona a présenté ses conclusions finales. Selon l’experte, depuis janvier 2015, des employés de DESA, à l’aide d’informateurs, surveillaient Berta Cáceres et le COPINH. Effectivement, durant sa présentation, il a entre autres été possible d’observer un groupe de conversations WhatsApp duquel faisaient partie Sergio Rodriguez Orellana, David Castillo, Daniel Atala et Jorge Avila, le chef de sécurité de DESA. On y aurait échangé de l’information sur leurs activités et mouvements.

 

Selon l’experte, en raison de l’opposition de Berta Cáceres au projet Agua Zarca, David Castillo aurait décidé d’ordonner son assassinat et il aurait fourni l’argent pour commettre ce crime. Sergio Rodriguez Orellana aurait été responsable des informateurs et de partager l’information obtenue. Douglas Geovanny Bustillo aurait été responsable de la coordination du crime avec Mariano Diaz et Henrry Javier Hernandez, d’effectuer des visites de surveillance et de fournir du matériel pour l’assassinat.

 

En janvier 2016, Douglas Geovanny Bustillo aurait effectué plusieurs voyages de reconnaissance dans la ville de La Esperanza afin de connaître les activités, mais aussi la demeure de Berta Cáceres. Mariano Diaz aurait accompagné certaines missions de surveillance et il aurait été l’intermédiaire entre Douglas Geovanny Bustillo y Henrry Javier Hernandez.

 

Initialement, il semblerait que l’assassinat était prévu pour le 5 février 2016. Mariano Diaz aurait été responsable de l’appui logistique, entre autres en fournissant une arme et de l’argent. Henrry Javier Hernandez aurait quant à lui été la personne qui allait commettre le crime pour une somme de 100 000 Lempiras. Toutefois, au cours de la soirée, Henrry Javier Hernandez aurait communiqué avec Mariano Diaz afin de l’informer qu’il ne pouvait pas exécuter ce qui était planifié, puisqu’il y avait trop de personnes à l’endroit. Pour exécuter le plan il aurait besoin d’un véhicule et d’autres personnes. Par la suite, Douglas Geovanny Bustillo aurait informé David Castillo que la mission a été annulée.

 

Quelques jours plus tard, Mariano aurait informé Henrry Javier Hernandez qu’ils n’avaient plus cette mission et qu’ils avaient décidé d’engager d’autres personnes puisqu’ils ne voulaient plus attendre.

 

Le 21 février 2016, le lendemain d’une manifestation du COPINH à Agua Zarca, Henrry Javier Hernandez aurait annoncé à Mariano Diaz qu’on l’avait contacté afin qu’il termine le travail. Ce dernier lui aurait alors affirmé qu’il ne voulait plus être impliqué, mais à la suite de sa demande, il lui aurait déclaré qu’il pourrait l’aider avec un prêt d’argent pour la commission du « travail ». Henrry l’aurait informé qu’il connait des hommes brutaux qu’il pourrait engager et qui seraient prêts à commettre le crime. Mariano Diaz et Henrry Javier Hernandez se seraient entendus afin de se rencontrer le 29 février afin qu’il puisse lui remettre le prêt.

 

Le 2 mars 2016, Henrry Javier Hernandez, Edilson Eduarte Meza, Oscar Torres Velasquez et Elvin Rapalo Orellana auraient quitté tôt la côte nord du pays afin de se rendre dans la ville de la Esperanza. Dès 15 heures ils se seraient rendus dans la ville et auraient commencé à suivre la victime. Durant la soirée, ils seraient restés en constante communication avec Douglas Bustillo, par l’entremise du numéro de Henrry Javier Hernandez. Selon l’analyse des communications, les quatre hommes seraient entrés entre 23 :30 le 2 mars 2016 et 00 :09 le 3 mars 2016 dans la maison de Berta Cáceres afin de l’assassiner. Par la suite, ils seraient sortis de la zone et se seraient rendus dans la ville de Santa Rita avant de reprendre la route le lendemain matin vers la côte nord. Le 3 mars 2016, Douglas Bustillo aurait communiqué avec des employés de DESA.

 

Après la présentation des résultats du témoin expert, on a commencé la phase interrogatoire, où le ministère public et les avocats de la défense ont pu questionner l’experte afin de clarifier certains aspects de son rapport d’expertise.

 

L’experte a déclaré qu’en se basant uniquement sur son analyse des communications, elle ne peut établir une relation entre l’accusé Emerson Duarte Meza et ce meurtre.

 

Contre-interrogatoire de la défense

 

Le 20 novembre, le contre-interrogatoire de la témoin experte Brenda Barahona, par les avocats de la défense s’est poursuivi. Le consultant en communications qui avait été assermenté pour accompagner les avocats de l’accusé Sergio Rodriguez Orellana a aussi pu interroger l’experte.

 

Les questions de la défense ont fait ressortir certaines faiblesses de l’expertise, qui ne sont parfois pas attribuables à cette dernière. Par exemple, au cours de sa présentation, Mme Barahona a fait la liste des numéros de personnes avec qui des accusés avaient eu des communications en commun. Toutefois on a appris que ces numéros n’ont pas été enquêtés et qu’on ne sait pas à qui ils appartiennent. L’experte a expliqué ne pas avoir eu comme mandat d’enquêter sur ces numéros. Ce type d’omission souligne une fois de plus un manque de rigueur dans la conduite et l’exhaustivité de l’enquête.

 

Enfin, les questions de la défense ont fait ressortir que certaines des conclusions de l’experte par inférences seraient exagérés et elle pourrait avoir omis de considérer certaines communications et éléments afin d’établir ses conclusions.

 

Enfin, la défense a soulevé que plusieurs conclusions de l’experte ont été inférées des faits et des données.

 

Sur l’auteure

 

Liza Yelle est conseillère juridique volontaire d’Avocats sans frontières Canada (ASFC) dans le cadre du projet « Justice, gouvernance et lutte contre l’impunité au Honduras ». Liza participe actuellement à l’observation du procès de Berta Cáceres en coalition avec différentes organisations nationales et internationales de droits humains. Le projet est réalisé avec l’appui du gouvernement du Canada, accordé par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.