Avocats sans frontières Canada publie un mémoire dans le cadre des consultations du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie sur la future politique internationale du Québec, auquel elle a pris part le 21 mai 2024. Parmi ses recommandations, elle invite la Ministre Martine Biron à intégrer l’approche basée sur les droits humains dans tous les aspects de sa politique.
Le Québec pourrait aussi jouer un rôle plus important dans la promotion de l’égalité des genres et la protection des droits des femmes et des filles dans la francophonie.
Dans un monde de plus en plus polarisé, marqué par la multiplication des crises interconnectées, dont la crise climatique et les conflits armés, le Québec doit continuer de promouvoir l’État de droit, la démocratie et le respect des droits humains, tout en s’assurant que l’action internationale du Québec contribue au objectifs de développement durable.
Nos recommandations
1. Le Québec, en tant qu’État qui promeut et défend la solidarité, le respect des droits de la personne et l’égalité entre les femmes et les hommes, pourrait jouer un rôle plus important dans le monde en faisant de la solidarité internationale une orientation forte et en intégrant l’approche basée sur les droits de la personne dans tous les aspects de sa nouvelle politique internationale.
2. Nous encourageons le Québec à augmenter son financement à la solidarité internationale afin que les organisations de coopération internationale (OCI) reconnues pour le savoir-faire et leur savoir-être exceptionnels, puissent mieux répondre aux besoins actuels et contextes changeants. En ce qui concerne le programme Nouveau Québec sans frontières (volet 1 – soutien à la mission globale des organismes de coopération internationale), le financement à la mission se distingue par son caractère novateur et flexible, ce qui contribue à une meilleure stabilité et continuité de la mission des OCI. Nous encourageons le Québec à continuer de privilégier ce type d’approche à long terme.
3. La nouvelle politique internationale du Québec devrait intégrer une approche féministe de la coopération et du développement, en faisant de l’avancement des droits des femmes et de l’égalité des genres sa priorité.
4. La politique internationale du Québec pourrait mettre à contribution plusieurs acteurs dans les domaines du commerce, du développement et du droit international afin de s’assurer que tous les partenaires de l’action internationale du Québec travaillent ensemble pour le développement durable et le respect des droits humains dans le monde. La stratégie de développement des marchés du Québec doit se faire dans un souci de transition juste, en respectant les droits humains des populations concernées et en s’assurant d’obtenir un consentement libre, préalable et éclairé des communautés où les entreprises québécoises investissent et développent des projets d’exploitation des ressources naturelles. Tous les investisseurs et les entreprises du Québec qui font partie de la politique internationale du Québec devraient respecter des normes élevées en matière d’environnement, de société et de gouvernance (ESG) et de respect des droits humains dans leurs opérations.
5. Les universités, les centres de recherche et les organisations non gouvernementales québécoises sont des chefs de file en matière de droit international et plusieurs expert.e.s québécois.e.s ont joué un rôle important ces dernières années dans la lutte contre l’impunité et la corruption dans le monde: ce domaine de coopération internationale pourrait être plus développé avec des partenaires de la société civile et la communauté juridique québécoise. Pour ce faire, le Québec pourrait mettre son expertise au service des acteurs de la justice dans les pays où il y a de nombreuses violations des droits humains en renforçant les capacités en matière d’enquête et de procédures anticorruption des juges, avocat.e.s, lanceurs d’alerte et défenseurs des droits humains pour contribuer à améliorer la gouvernance, la protection des droits et la démocratie.
6. Compte tenu de son expertise et de son savoir-faire, notamment sa participation au marché du carbone et la mise au point de technologies propres, le Québec pourrait être plus actif sur la scène internationale en matière d’adaptation climatique et de protection des droits des personnes en situation de vulnérabilité affectées par le climat, notamment en renforçant les capacités des femmes et des jeunes. Il devrait augmenter le financement à son programme de coopération climatique internationale destiné aux pays en développement de la Francophonie et l’élargir à d’autres pays, notamment dans les Amériques. Il pourrait collaborer plus étroitement avec des organisations non gouvernementales de coopération internationale québécoises et leurs partenaires pour soutenir des projets venant en aide aux personnes affectées par le climat et les catastrophes naturelles.
7. Jouer un rôle plus important en matière de migrations. Le Québec pourrait accroître son rôle sur les enjeux de migrations dans l’espace francophone et sur la scène internationale (Forum mondial sur la migration et le développement et les instances de suivis des Pactes des Nations unies sur les migrations et les réfugiés) pour y faire rayonner les approches québécoises porteuses comme celle du Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA), s’inspirer des approches mises de l’avant ailleurs et soutenir des initiatives d’organisations non gouvernementales visant le vivre ensemble et la protection des droits des personnes migrantes en situation de vulnérabilités, notamment les femmes et les enfants.
Spécifiquement,
8. En Afrique: Le Québec a un rôle important à jouer, en particulier dans les pays francophones (notamment à travers l’OIF), pour la promotion et la protection de l’État de droit et de la démocratie. Alors que plusieurs de ces pays sont en proie à des reculs démocratiques importants; dus aux coups d’État militaires, aux élections non transparentes, au rétrécissement de l’espace civique et aux violations graves des droits humains, notamment contre les femmes et les minorités (ethniques, et de genre); et qu’ils rejettent de plus en plus la coopération avec les pays occidentaux (France, ÉtatsUnis, Royaume-Uni) au profit notamment de la Russie, de la Chine et de l’Inde; le Québec pourrait constituer un acteur international crédible pour soutenir le renforcement de l’État de droit et de la démocratie dans ces pays.
9. En Haïti: ASF Canada se réjouit du Plan de soutien pour Haïti pour les cinq prochaines années. Nous espérons que ce plan permettra de renforcer la protection des droits humains en Haïti, en particulier les droits des femmes, les droits sexuels et reproductifs et de lutter contre les violences basées sur le genre. Dans le cadre de l’axe 3 du plan visant à renforcer la justice, la sécurité et la gouvernance, ASF encourage le gouvernement du Québec à travailler en collaboration avec les OCI québécoises, les acteurs de la justice et les organisations de la société civile haïtiennes afin qu’ils puissent contribuer à la lutte contre l’impunité et la corruption et la saine gouvernance en Haïti. La société civile haïtienne a un rôle important à jouer pour la reddition de compte des institutions haïtiennes et la construction de l’État de droit.
10. En Amérique latine et dans les Antilles: le Québec pourrait participer plus activement aux mouvements pour défendre des droits en péril: les droits sexuels et reproductifs, les droits des femmes, lutter contre les violences basées sur le genre et promouvoir la diversité sexuelle et de genre et protéger les défenseurs du territoire et de l’environnement.