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12 février 2021

Avocats sans frontières Canada (ASFC) est vivement préoccupée par l’arrestation d’une vingtaine de personnes, dont un juge de la Cour de cassation et une Inspectrice de la Police nationale d’Haïti. Ces arrestations, effectuées dans la nuit du 6 au 7 février, ont été suivies le 10 février dernier par le refus de se conformer à une décision de la doyenne du Tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets qui a ordonné la libération du juge de la Cour de cassation.

 

ASFC prend acte de la décision du 11 février 2021 d’un juge d’instruction qui s’est déclaré incompétent pour entendre l’affaire et a ordonné la libération du juge, lequel a ensuite été libéré. Selon les informations disponibles, les procédures prévues par le droit haïtien pour mener de telles arrestations n’auraient pas été respectées. Les personnes arrêtées auraient aussi fait l’objet de mauvais traitements au moment de l’intervention policière. Compte tenu de sa mission de défense des droits humains et de l’État de droit, ASFC est préoccupée par le respect des garanties judicaires mais ne se prononce aucunement sur le fond de l’affaire – c’est-à-dire les allégations à l’encontre des personnes arrêtées et détenues – ni sur les considérations politiques qui y sont associées.

 

La mise à la retraite précipitée par le pouvoir exécutif de trois juges de la Cour de cassation – des officiers de justice dont le mandat est protégé par la Constitution – et les menaces qu’auraient reçues des membres du Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire (CSPJ) sont aussi source de vives inquiétudes.

 

Atteintes à l’indépendance judiciaire et à la sécurité des magistrats

 

ASFC est profondément préoccupée par ces différentes formes d’atteintes à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance judiciaire qui sont consacrées par les articles 60 et 60-1 de la Constitution et par l’article 33 de la Loi portant statut de la magistrature. La mise à la retraite de trois juges de la Cour de cassation constitue en outre une violation de l’article 177 de la Constitution qui garantit leur inamovibilité.

 

Les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature de l’ONU reconnaissent clairement « qu’il incombe à toutes les institutions, gouvernementales et autres, de respecter l’indépendance de la magistrature » (principe 1), que « [l]a justice s’exerce à l’abri de toute intervention injustifiée ou ingérence », et que « les décisions des tribunaux ne sont pas sujettes à révision […] » (principe 4).

 

ASFC appelle à ce que les garanties judiciaires, l’indépendance judiciaire et la sécurité des magistrats soient respectées.

 

Un contexte de violations des droits humains et d’impunité

 

Ces atteintes à l’indépendance de la magistrature s’inscrivent dans un contexte d’insécurité grandissante depuis plusieurs mois en Haïti. Le pays traverse l’une des crises de droits humains les plus importantes depuis la chute de la dictature duvaliériste, avec notamment une hausse des assassinats, des enlèvements contre rançon, des attaques contre des civils et même des massacres, dont le massacre de La Saline en novembre 2018 et de Bel-Air en novembre 2019.

 

Rappelons à cet égard que le 28 août 2020, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval, a été froidement assassiné et les circonstances de cette tragédie n’ont toujours pas été élucidées. Plusieurs organisations haïtiennes et internationales dont ASFC appellent à la signature d’une pétition demandant qu’une enquête indépendante soit menée par des experts nationaux et internationaux.