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6 février 2020

Julie Dagenais

Conseillère juridique volontaire

 

Au cours de la première moitié de mon mandat avec Avocats sans frontières Canada ( ASFC) au Guatemala, j’ai eu l’occasion de participer à un séminaire sur la traite de personnes pour les pays du Triangle Nord de l’Amérique centrale, soit le Guatemala, le Honduras, et le Salvador.

 

Organisé en collaboration avec la Fiscalía General de la República de El Salvador (FGR) et Justice Education Society (JES), le Séminaire régional sur les techniques d’enquête et la protection des victimes de la traite de personnes a eu lieu au San Salvador du 4 au 7 novembre dernier. Un moment riche, un moment fort, un moment de rassemblement autour d’une problématique internationale qui nécessite une attention immédiate.

 

L’objectif général du Séminaire était de renforcer les capacités de prévention, de poursuite et de jugement des acteurs de la justice dans le Triangle Nord – appartenant à des institutions dédiées à la lutte contre la traite de personnes (« TDP ») – par l’échange de bonnes pratiques et des expériences régionales et internationales. L’événement fut un grand succès : plus de 80 personnes ont pris part au Séminaire, y inclus participants, conférenciers et invités spéciaux.

 

Des enjeux qui nous concernent

 

Les participant.e.s comprenaient des enquêteur.e.s de la police et du ministère public des unités contre la TDP; des procureur.e.s, avocat.e.s et autres professionnel.le.s des organisations de la société civile, et des juges des sections criminelles qui entendent des affaires de TDP à différents niveaux.

 

Même des représentants du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) étaient sur place. C’est tout dire de l’impact et de l’intérêt, même jusque chez nous, des problématiques et des enjeux que nous abordons dans le cadre de notre projet portant sur la répression des crimes transfrontaliers.

 

Il y avait des experts provenant des trois pays du Triangle Nord, ainsi que du Canada, des États-Unis et de la Colombie. Les sujets abordés étaient les suivants : les produits de la criminalité dans le domaine de la TDP; le blanchiment d’argent et d’autres actifs; l’utilisation de la crypto-monnaie pour la criminalité transnationale; et la surveillance de l’Internet et des réseaux sociaux.

 

Les présentations furent captivantes et très instructives, et m’ont permis de mieux comprendre l’ampleur de ce phénomène d’esclavage moderne au niveau mondial.

 

La présentation de Carlos Moran sur la surveillance de l’Internet par la police cybernétique a été particulièrement révélatrice pour moi. Spécialiste informatique au Bureau central national de INTERPOL au Honduras, M. Moran a expliqué que le Web est un endroit beaucoup plus grand qu’on ne le croie. En fait, on pourrait dire qu’il existe 3 « sortes » de Web.

 

Il y a d’abord le Web qu’on utilise à tous les jours avec les sites respectables, par exemple les sites qu’on retrouve en utilisant un navigateur comme Google, Firefox ou Internet Explorer. Cette partie de l’Internet, aussi appelée le Web surfacique, ne représente qu’une petite partie de la totalité du Web; ce n’est que la partie visible de l’iceberg.

 

Il y a ensuite le Web profond, qu’on appelle communément le « Deep Web ». Ceci correspond aux pages Internet qui ne sont pas indexées par les moteurs de recherche, et comprend tout un autre océan de pages Web. Si on reprend l’analogie de l’iceberg, c’est l’énorme partie sous la surface. Il est impossible d’accéder au Web profond sans avoir l’adresse Web précise (URL), et sans insérer cette adresse dans la barre d’adresse du navigateur.

 

Et finalement, il y a le « Dark Web », aussi appelé Web clandestin ou l’Internet « sombre », qui fait partie du Web profond. C’est un ensemble de sites Internet qui utilisent un système de cryptage, et il faut utiliser des navigateurs spéciaux, des « darknets », pour accéder à ces sites. Le darknet le plus important s’appelle TOR (« The Onion Router ») et permet d’accéder aux sites cachés sous le nom de domaine « .onion ». En raison du système de chiffrement en couches, les identifiants et la localisation des utilisateurs demeurent essentiellement anonymes.

 

Le contenu du Dark Web est varié. Il inclut, par exemple, des ressources légales qui y sont cachées pour lutter contre la censure dans les pays totalitaires. Mais le contenu du Dark Web est souvent illégal, car l’anonymat quasi-total en fait un lieu idéal pour la criminalité, y inclus la vente de stupéfiants, d’armes, et d’images pédopornographiques, et la propagande terroriste.

 

Il va de soi que l’Internet sombre, et même le Web surfacique et les réseaux sociaux, sont utilisés couramment pour faciliter la traite de personnes. Chez Interpol, et au sein d’autres services de police, des agents sous couverture numérique utilisent des techniques d’enquête spécialisées pour surveiller le Web afin de détecter les incidents de traite de personnes, et les crimes connexes tel que le blanchiment d’argent et d’autres actifs.

 

L’espoir est que la surveillance de l’Internet et du « Dark Web » par la police cybernétique, et le partage d’information parmi les autorités, vont aider dans la lutte contre la traite de personnes, ce fléau mondial qui représente une des violations des droits humains les plus terribles qui soient!

 

Sur l’auteure 

Julie Dagenais est conseillère juridique volontaire au sein du projet « Renforcement des capacités de répression pénale des crimes transfrontaliers commis contre les femmes, les filles et les autres personnes en situation de vulnérabilité dans le Triangle Nord de l’Amérique centrale » (TN2). Le projet est réalisé avec l’appui financier du gouvernement canadien par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.