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24 avril 2025

Au Guatemala, exercer le journalisme indépendant peut coûter la liberté. Le cas de José Rubén Zamora, journaliste reconnu et fondateur du quotidien elPeriódico, est l’un des exemples les plus alarmants de la manière dont la justice est instrumentalisée pour réprimer les voix qui dérangent le pouvoir. Depuis 2022, Zamora fait l’objet d’une poursuite pénale entachée d’irrégularités, que des organisations internationales ont qualifiée de tentative de criminaliser son travail journalistique et de faire taire les enquêtes sur la corruption.  

 

Accusations contestées, procédure viciée  

 

Le journaliste a d’abord été accusé de blanchiment d’argent en 2022, après que elPeriódico eut publié des enquêtes liant de hauts fonctionnaires du gouvernement et le ministère public (bureau de la procureure générale) à des affaires de corruption. Bien que cette affaire ait déjà suscité de vives critiques en raison de l’absence de preuves solides et de la violation des garanties procédurales, de nouvelles accusations ont été ajoutées depuis, ce qui constitue un harcèlement judiciaire systématique.  

 

Selon le dernier dossier judiciaire (avril 2025), Zamora est désormais accusé de conspiration en vue d’entraver la justice et d’utilisation continue de documents falsifiés. Le ministère public soutient qu’entre 2015 et 2017, le journaliste aurait utilisé des documents douaniers avec de fausses signatures pour quitter le pays, une procédure administrative qui a depuis été mise à jour par un format électronique qui ne nécessite plus de signature.  

 

De plus, ces procédures ont été marquées par la suspension répétée des audiences, la récusation systématique des juges, les excuses des procureurs et des plaignants, et un cycle interminable de retards et d’annulations de décisions judiciaires. Le 10 mars 2025, Zamora a de nouveau été placé en détention provisoire après que la Cour d’appel eut annulé sa libération pour une prétendue « activité procédurale défectueuse », dans une décision considérée comme excessive et dépourvue de base légale.  

 

Le contexte politique : la criminalisation du journalisme  

 

Le cas Zamora n’est pas isolé, il est le symbole d’un recul démocratique plus large au Guatemala. Depuis l’expulsion de la CICIG en 2019 (la commission internationale contre l’impunité qui a révélé des réseaux de corruption au plus haut niveau), les acteurs qui étaient auparavant poursuivis pour corruption ont repris le contrôle du système judiciaire et l’utilisent pour démanteler toute opposition. Dans ce contexte, des journalistes, des procureurs anticorruption et des juges indépendants ont été poursuivis, contraints à l’exil ou emprisonnés.  

 

Justice ou vengeance ?  

 

Au-delà des accusations formelles, ce qui est en jeu dans ce procès, c’est le droit d’informer et d’être informé. Zamora a dénoncé à plusieurs reprises que son incarcération était une représaille directe à son travail de journaliste, et que l’objectif était de le détruire physiquement et moralement, ainsi que de ruiner économiquement elPeriódico, qui a fermé ses portes en mai 2023 en raison de difficultés financières et de la persécution de l’État.  

De nombreuses organisations internationales telles que le Rapporteur spécial pour la liberté d’expression de la CIDH, Reporters sans frontières, Amnistie Internationale et Human Rights Watch ont dénoncé cette affaire comme un exemple de criminalisation du journalisme en Amérique latine.

 

La solidarité internationale est urgente  

 

Depuis ASF Canada, nous réitérons que la défense des droits humains et de l’État de droit exige une presse libre et critique. La détention prolongée et irrégulière de José Rubén Zamora constitue une grave menace pour la liberté d’expression dans la région.  

Nous exhortons la communauté internationale à maintenir la pression sur l’État guatémaltèque, à soutenir les journalistes en danger et à exiger de réelles garanties judiciaires pour tous les acteurs sociaux qui luttent pour la transparence et la justice.  

Car faire taire le journalisme, c’est faire taire toute la société.