Faire avancer les droits des femmes et des adolescentes en RDC : de premières formations pour le projet TUMAINI
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17 août 2023
Avocats sans frontières Canada (ASFC) et la clinique juridique de la Fondation Panzi ont réuni une partie de la société civile congolaise ainsi que des avocat.e.s du Barreau du Sud-Kivu à Bukavu, entre le 7 et 11 août, afin d’offrir plusieurs formations complémentaires à leur lutte, déjà bien vivante, en faveur des droits des femmes et des adolescentes. Il s’agissait du deuxième mandat d’ASFC en République démocratique du Congo (RDC) depuis le lancement du projet TUMAINI le 2 septembre 2022.
Les formations visaient le renforcement des capacités juridiques de la Fondation Panzi, ainsi que d’autres personnes représentantes de la société civile au pays, afin d’améliorer l’accès aux services en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs. Les thématiques qui ont été abordées répondaient aux besoins de connaissances et de capacités préalablement identifiés par le groupe participant. Ses membres seront appelés à dispenser ces mêmes formations, ainsi que celles à venir, auprès de leurs collègues travaillant dans les zones plus reculées dans le Sud-Kivu.
L’initiative, mise en œuvre grâce au soutien financier du gouvernement canadien, s’inscrit dans le cadre des efforts déployés contre les violences sexuelles et basées sur le genre par les organisations de la société civile et les acteur.rice.s de la justice de la RDC.
Les droits sexuels et reproductifs en RDC, insuffisamment respectés
La RDC est un pays inégalitaire, tant sur le plan social que juridique. Les femmes et les filles sont victimes de discriminations systémiques. La perpétuation des violences sexuelles et basées sur le genre est entretenue par des normes coutumières et traditionnelles, ainsi qu’un cadre juridique lacunaire, défavorable au respect des droits sexuels et reproductifs.
Malgré le fait que le gouvernement ait mis en place des initiatives, par exemple, afin d’encourager la contraception, l’avortement continue d’être criminalisé dans certains cas, la loi n’interdit pas expressément les violences conjugales, dont le viol conjugal, et peu est fait pour mettre un frein à la pratique du mariage forcé, bien qu’elle soit formellement interdite.
Cette situation est lourdement exacerbée par les crises sécuritaires et politiques que connaît la RDC depuis 1996. Une partie de la région de l’est du pays est, encore aujourd’hui, sous contrôle de groupes rebelles. Ces zones disputées ont été et continuent d’être marquées par les violences sexuelles. L’utilisation du viol comme arme de guerre a d’ailleurs été rapporté. 96% des cas documentés de violences sexuelles en 2021 étaient liés aux conflits, selon le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme.
Aligner le cadre juridique congolais aux obligations internationales et régionales représente une priorité pour la société civile. Les formations dispensées par ASFC aux futures personnes formatrices ont permis de lever le voile sur les standards internationaux et régionaux relatifs à la santé sexuelle et aux droits sexuels et reproductifs, les enjeux en la matière et les mécanismes de protection au niveau international, offrant de nouveaux outils pour s’attaquer à ces enjeux.
L’accès limité à la justice en RDC
La majorité des Congolaises et des Congolais identifient des méthodes alternatives au système de justice formel comme façons les plus plausibles de gérer les conflits, notamment en raison des procédures complexes, longues et coûteuses et d’une perception de corruption à l’égard du système de justice.
En milieu rural, c’est surtout vers les juges coutumiers que se tournent la population. Le rôle des tribunaux coutumiers consiste plus souvent à tenter de réconcilier les parties en conflit qu’à trancher un litige. Les tabous, les risques de stigmatisation, la peur de subir des représailles et les pressions, parfois de la part de leurs proches, faites pour accepter une entente à l’amiable représentent un obstacle pour les victimes et survivantes de violences basées sur le genre. Les victimes dénoncent peu et les condamnations sont rares.
La Fondation Panzi, au premier plan dans la lutte contre les violences basées sur le genre
Les cliniques juridiques de la Fondation Panzi, nouvelles partenaires d’ASFC, offrent leurs services aux personnes victimes et survivantes de violences basées sur le genre, par une prise en charge holistique des victimes qui permet à ces dernières d’obtenir une aide à la fois médicale, psychosociale, juridique et socioéconomique.
Le Dr Mukwege, fondateur de la Fondation Panzi, a reçu en 2018 le prix Nobel de la paix pour ses efforts en vue de mettre fin aux violences sexuelles en tant qu’arme de guerre. En 2019, il a reçu un Doctorat Honoris Causa de l’Université de Montréal au Canada. Cette même année, la Fondation Panzi s’associait à l’Unité de santé internationale de l’Université de Montréal et à l’Observatoire Hygeia, jetant les bases du projet TUMAINI, auquel ASFC contribue.
Tel qu’exprimé par le personnel de la Fondation Panzi, lors de l’analyse de la situation des droits de la personne en RDC produite par ASFC en 2022, le manque de ressources fait partie des obstacles au bon fonctionnement de leurs cliniques juridiques.
Des avocat.e.s plus outillé.e.s à reconnaître les violations des droits sexuels et reproductifs commises à l’encontre des femmes et des adolescentes seront en meilleure posture pour offrir de l’accompagnement juridique et, plus largement, pour faire avancer les droits des femmes en RDC.
Le projet Tumaini: santé et droits des femmes, des adolescentes et des enfants est mis en œuvre par l’Unité de santé internationale de l’Université de Montréal, appuyé d’Avocats sans frontières Canada et de Global Strategies, grâce au soutien financier du gouvernement canadien. Ce dernier entend bénéficier à une population totale de 2 745 741 personnes.