• Actualités

24 mars 2023

Une audience historique a eu lieu les 22 et 23 mars derniers à la Cour interaméricaine des droits de l’homme (Cour IDH) au Costa Rica. Il s’agit du « cas Beatriz et autres vs El Salvador ». C’est la première fois que cet organe indépendant, qui a le mandat de protéger les droits humains dans le continent américain, aura à se prononcer sur le droit à l’avortement dans un jugement attendu à la fin de l’année.

 

Qui est Beatriz?

 

Lors des faits de cette affaire, Beatriz était une jeune maman de 21 ans vivant en situation d’extrême pauvreté au Salvador lorsqu’elle a reçu un diagnostic douloureux : elle était enceinte d’un fœtus qui se développait sans crâne ni cerveau, donc inviable, et cette grossesse à haut risque mettait sa propre vie en danger. Beatriz souffrait du lupus, une maladie auto-immune, et avait déjà eu des complications lors de sa première grossesse.

 

En raison de l’interdiction absolue de l’avortement au Salvador, Beatriz n’a pas pu obtenir l’intervention médicale dont elle nécessitait, même si c’était dans le but de lui sauver la vie. Elle a été forcée d’entamer un long processus judiciaire, pour finalement accoucher par césarienne trois mois plus tard, une opération beaucoup plus invasive que la recommandation initiale de ses médecins. Durant cette période d’angoisse à l’hôpital, éloignée de son premier fils d’à peine un an, Beatriz a également fait face au deuil prolongé de son fœtus qui n’aura vécu que cinq heures après l’opération.

 

« Beatriz n’a plus jamais été la même », a déclaré sa mère à l’audience, où des partenaires d’ASF Canada étaient présents. « L’État l’a laissé tomber ».

 

Beatriz est décédée en octobre 2017 à la suite de complications de santé après un accident de la route. Son corps n’était pas en mesure de faire face à cette nouvelle hospitalisation. Beatriz avait 27 ans.

 

Aujourd’hui, Beatriz est devenue un symbole d’espoir pour les mouvements féministes en Amérique latine. Des centaines de personnes se sont donné rendez-vous aux portes de l’audience au Costa Rica pour écouter le déroulement sur des écrans installés à l’extérieur, alors que plusieurs événements à distance ont été organisés par des collectifs féministes dans d’autres pays de la région.

 

Une partie de l’équipe d’ASF Canada au Salvador. Par Frédérique Forget, 8 mars 2023.

 

« Je vous admire, j’admire votre courage, votre résilience, votre énergie positive, une accolade de solidarité de San Salvador »

« Depuis l’Argentine, avec les mères et les grands-mères de la Plaza de Mayo, nous demandons également #JusticePourBeatriz. »

 

Sur les réseaux sociaux, on peut lire plusieurs messages d’appui de différents pays dans la région.

Pourquoi ce cas est-il si important?

 

L’avortement est un traitement médical qui peut être nécessaire pour préserver la santé, la vie et l’intégrité des personnes enceintes. Comme les États ont l’obligation de protéger le droit à la santé, incluant le droit à la santé sexuelle et reproductive, l’accès à l’avortement (qui est assuré notamment par l’adoption de protocoles et directives clairs pour le personnel de la santé) doit être renforcé par les États.

 

« Selon l’OMS, chaque année, entre 4,7 % et 13,2 % des décès maternels sont dus à des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses. L’existence d’avortements à risque est la troisième cause de mortalité en Amérique latine »

 

a déclaré l’experte Cristina Jaramillo à la Cour.

 

Si la Cour IDH reconnaît que le Salvador est responsable d’avoir violé les droits humains de Beatriz, ce précédent juridique pourrait avoir des répercussions non seulement au Salvador mais également dans d’autres pays où le droit à l’avortement continue d’être criminalisé comme le Honduras, la République Dominicaine et Haïti.

 

Les droits humains qui sont en jeu dans le cas « Beatriz et autres vs El Salvador » sont les droits à la vie, à l’intégrité personnelle, aux garanties judiciaires, à la vie privée, à l’égalité devant la loi, à la protection judiciaire et au droit à la santé. Il est également demandé de déclarer que les articles 1 et 6 de la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture et l’article 7 de la Convention de Belém do Pará ont été violés.

 

ASF Canada présentera un amicus curiae (des arguments juridiques) à la Cour IDH afin que la Cour rappelle à l’État salvadorien ses obligations en termes de protection des droits humains.

 

 

Sur le droit à l’avortement dans le monde

 

4 femmes sur 10 vivent dans des pays où les lois sur l’avortement sont restrictives, selon la classification du Center for Reproductive Rights. Les restrictions peuvent varier: certains États n’autorisent l’avortement que si la vie de la personne enceinte est menacée, pour des raisons de santé maternelle ou lorsque la grossesse est le résultat d’un viol.

 

Pour en savoir plus