Avocats sans frontières Canada et le Collectif des avocat.es specialisé.es en litige stratégique des droits humains appellent au renforcement de l’État de droit en Haïti
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23 juin 2022
Avocats sans frontières Canada (ASFC) et le Collectif des avocat.es spécialise.es en litige strategique des droits humains (CASLDH) sont profondément inquiets de la détérioration importante du climat sécuritaire en Haïti, alimentée par l’impunité liée notamment aux dysfonctionnements au sein du système judiciaire haïtien. Ces dernières semaines, aux cas d’enlèvements et d’assassinats, s’ajoutent les affrontements entre groupes armés qui ont engendré des impacts sur les femmes, plus particulièrement en matière de violences sexuelles, l’assassinat de plusieurs civil.e.s et le déplacement de plusieurs milliers de personnes. À ceci, s’ajoutent des exécutions sommaires, des attaques verbales contre les defenseur.es de droits humains et l’accroissement de la mainmise des groupes armés sur plusieurs quartiers et institutions étatiques.
L’un des événements les plus marquants remonte au 10 juin dernier, lorsque des civils armés ont délogé les juges du Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Ils ont pillé le bâtiment, se sont entre autres accaparés de voitures de la Police nationale d’Haïti (PNH) et ont détruit des archives. Plus d’une semaine après, ils y sont encore et utilisent les voitures en leur possession pour s’en prendre aux forces de police et à la population.
Cette attaque armée survient dans un contexte où plusieurs institutions, dont le Barreau de Port-au-Prince, ont exigé à maintes reprises la relocalisation du palais de justice, en raison de la dégradation du climat sécuritaire dans la zone et des menaces des groupes armés. Cette ultime attaque contre la plus grande juridiction du pays, qui a fait un blessé par balle ainsi que de récentes exécutions sommaires perpétrées par un commissaire du gouvernement en fonction, est le résultat d’une impunité entretenue depuis des années et du dysfonctionnement de la justice. Ces événements sont des signes probants de l’effritement de l’État de droit.
Dans ce contexte, ASFC et le CASLDH renouvellent leur solidarité aux acteur.trice.s du système judiciaire et appellent l’État haïtien à déployer les efforts nécessaires pour rétablir l’ordre, afin de garantir l’accès à la justice et redonner confiance à la population.
« Les justiciables, notamment les personnes privées de liberté ne doivent pas être pénalisés. Les autorités doivent tout mettre en œuvre pour reprendre le contrôle du tribunal et garantir la protection des acteur.trice.s du système judiciaire pour une distribution saine et équitable de la justice. Dans tous les cas, la justice doit triompher! »
Me Pascal Paradis, directeur d’ASFC
Les défenseur.e.s des droits humains, acteur.trice.s clés de l’État de droit
Depuis plusieurs semaines, des organisations de droits humains sont critiquées pour leur prise de position en faveur des droits humains. ASFC et le CASLDH tiennent à rappeler que les défenseur.e.s des droits humains jouent un rôle fondamental dans la promotion, la protection et la mise en œuvre des droits fondamentaux.
Les défenseur.e.s des droits humains œuvrent à la consolidation des acquis démocratiques et au renforcement de l’État de droit. Ils.elles ne sont détenteur.trices d’aucune obligation et ne peuvent par conséquent faire l’objet de menaces ou d’intimidation pour avoir appelé au respect des normes de justice conformément aux instruments internationaux de protection des droits humains et la Déclaration sur les défenseur.e.s des droits de l’homme.
La présomption d’innocence, un principe essentiel de l’État de droit
L’article 11 la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que « toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées ». Par ailleurs, plusieurs conventions internationales ratifiées par Haïti reconnaissent qu’aucune personne ne peut être privée arbitrairement de son droit à la vie. ASFC et le CASLDH rappellent que le droit à la vie est un droit inhérent à la nature humaine.
L’exécution sommaire est un acte antidémocratique et une violation de plusieurs droits reconnus dans des conventions que l’État haïtien s’est engagé à respecter, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention américaine relative aux droits de l’Homme.
ASFC et CASLDH appellent l’État haïtien à garantir les droits à la vie et à la présomption d’innocence, suivant les prescrits de la Constitution haïtienne et de ces instruments internationaux.
Le rétablissement de l’État de droit passe par une justice forte et indépendante
Sans un engagement ferme et l’adoption de mesures visant à combattre l’impunité par le renforcement de la justice, le pays ne pourra pas enrayer l’insécurité. ASFC et le CASLDH reconnaissent l’importance de la lutte contre l’impunité afin de combattre l’insécurité. Aussi, ils encouragent l’État haïtien de doter le système judiciaire des moyens nécessaires pour rendre justice et renforcer la confiance de la population dans l’administration de celle-ci.
De manière complémentaire, comme ASFC et le Barreau de Port-au-Prince l’avaient recommandé à la suite de l’assassinat de l’ancien Bâtonnier Monferrier Dorval, l’État haïtien devrait considérer la mise en place d’un mécanisme fort de lutte contre l’impunité pour traiter des cas emblématiques de violations de droits humains. La communauté internationale a aussi un rôle à jouer et peut contribuer à la mise en place de ce mécanisme indépendant et impartial.