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18 avril 2024

Comité organisateur de l'édition 2024 du colloque interuniversitaire d’Avocats sans frontières Canada sur les crimes internationaux.

Cette interrogation, qui continue de faire l’objet de débats et de discussions, a été traitée dans le cadre de la neuvième édition du colloque interuniversitaire d’Avocats sans frontières Canada (ASF Canada), qui a lieu le 16 mars 2024 à l’Université de Montréal.

 

Le colloque s’est intéressé aux causes profondes de l’impunité persistante des crimes internationaux et des pistes pour y remédier, en présence des spécialistes Leila Benabdelouhab, Roland Touwendé, Happy Pascal Bompela et du groupe Soutien International pour les Ouïghours de Montréal.

 

«L’impunité des crimes [internationaux] représente une menace sérieuse pour l’avenir du droit international et la protection des droits humains. Pour préserver l’intégrité du système juridique international et garantir le respect des droits humains, il est impératif de poursuivre et de punir les auteurs de violations graves, quel que soit leur statut ou leur position. Cela nécessite un engagement soutenu des États, des institutions internationales et de la société civile pour promouvoir la justice et lutter contre l’impunité», a avancé Roland Touwendé, devant les quelque 70 personnes réunies.

 

Qu’est-ce qu’un crime international ?

 

Les crimes internationaux désignent certaines violations graves du droit international. Ils comprennent entre autres les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, définis non exhaustivement aux articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

 

Les crimes internationaux peuvent être perpétrés dans le cadre d’un conflit armé et certains en temps de paix. Il s’agit le plus souvent d’infractions spécifiques et de grande ampleur commises à l’encontre de la population civile. Parmi les violations emblématiques des droits humains pouvant être considérées comme des crimes internationaux, l’on retrouve le meurtre et le recours aux violences sexuelles, qui recoupent les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide.

 

Les causes de l’impunité des crimes internationaux

 

Leila Benabdelouhab, Roland Touwendé et Happy Pascal Bompela, ont précisé les causes de l’impunité, indiquées par leurs recherches : l’intervention tardive des cours internationales rend difficile le recueil des preuves ; l’immunité des personnes au pouvoir et le manque de volonté des pays à juger leurs propres citoyen.ne.s sont tout autant, selon eux, de problématiques faisant obstacle à la poursuite des crimes internationaux.

 

«L’impunité des crimes [internationaux] demeure une menace pour la paix, la sécurité et le bien être du monde. L’impunité des auteurs de ces crimes est un frein à la prévention des nouveaux crimes. C’est donc l’une des faiblesses quant à l’avenir du droit International, en termes de répression des violations des droits de l’homme. Il en résulte donc une effectivité relative de la protection juridique, juridictionnelle et institutionnelle des droits humains.», enchaînait Happy Pascal Bompela.

 

À cela s’ajoute dans certains cas le manque de législation nationale adéquate, la non-ratification de traités internationaux, ou encore le manque de preuves ou de techniques de collecte de preuves.
Julia Tétrault-Provencher est une avocate québécoise, actuellement juriste en droit international pour l’équipe mobile de Global Rights Compliance contre les violences sexuelles et basées sur le genre en Ukraine. Dans une capsule diffusée à l’occasion du Colloque Interuniversitaire d’ASF Canada, elle a expliqué les difficultés de la poursuite des crimes internationaux en Ukraine. L’Ukraine n’a pas ratifié le Statut de Rome. Les poursuites des crimes internationaux se fondent donc sur le code procédural et pénal du pays, ne permettant pas le plein déploiement de la justice internationale. Une réalité palpable pour les acteurs et actrices de la justice en action sur le terrain, que Me Tétrault-Provencher a fait découvrir à distance aux personnes présentes.

 

 

Des pistes de solutions tiraillées

 

Pour Leïla Benabdelouhab, « l’impunité en droit international public ne cesse d’être dévoilée par les événements graves que nous voyons se dérouler sans que les responsables ne soient inquiétés. L’inefficacité des différents régimes de protection des personnes à servir les personnes et les peuples met en échec les promesses du droit international public portées par l’Organisation des Nations Unies. Dès lors, il convient de se mobiliser pour mettre en œuvre les mécanismes juridiques existants mais aussi pour créer de nouveaux mécanismes adaptés aux besoins d’émancipation de la communauté internationale. L’utilisation des technologies numériques afin de créer des preuves judiciaires de violations des droits est un exemple d’action concrète pour lutter contre l’impunité en droit international public ».

 

La révolution numérique constituerait, selon les panélistes, à la fois un enjeu et une solution. S’il est vrai que le manque d’encadrement juridique à l’égard du vol et de l’utilisation des données personnelles et gouvernementales génère de nouvelles problématiques, l’évolution des réseaux sociaux constitue également une avenue prometteuse dans la collecte de preuves et pour sensibiliser à l’importance de la lutte contre l’impunité des crimes internationaux. Toute personne assistant à de potentiels crimes de guerre peut maintenant faire partie de la solution, en collectant des extraits sonores, photographiques et vidéos qui pourraient éventuellement être utilisés dans le cadre de procédures judiciaires. Il s’agit pour les panélistes d’une avancée majeure.

 

Il en va de même du recours aux tribunaux ad hoc, toujours selon les panélistes. Les ressources nécessaires pour en assurer un fonctionnement efficient et leurs compétences restreintes peuvent rendre complexe la poursuite des crimes internationaux. Néanmoins, ils demeurent des mécanismes rigoureux pour des situations autrement hors d’atteinte pour les juridictions nationales et dont la poursuite des crimes internationaux serait très sélective pour un tribunal international ayant une large compétence, tel que la Cour pénale internationale.

 

La persécution du peuple Ouïghours, un exemple de crimes internationaux

 

Le groupe du Soutien International pour les Ouïghours de Montréal, accompagné d’un citoyen chinois, aujourd’hui réfugié au Canada, a présenté ce qu’il décrit comme un génocide en cours en Chine.

 

Le peuple Ouïghours est majoritairement musulman et a une culture qui lui est propre. À l’heure actuelle, près d’un million de Ouïghours seraient détenus par les Chine dans des camps de rééducation, voués notamment à leur faire renier leur religion. La région du Turkestan, que ce groupe ethnique habite, serait étroitement surveillée par le gouvernement : caméras de sécurité, brutalité policière, entre autres. Les Ouïghours sont interdits de posséder des comptes sur les réseaux sociaux ou de voyager hors du pays. Toute activité religieuse leur est proscrite.

 

Les personnes participant au Colloque Interuniversitaire d’ASF Canada visite une exposition de photographies, présentant un portrait complet de la réalité que subissent les Ouïghours en Chine.

 

Le colloque interuniversitaire est organisé par le Réseau Interuniversitaire d’Avocats sans frontières Canada, qui a regroupé les 5 comités étudiants de l’Université Laval, l’Université de Montréal, l’Université de Sherbrooke, l’Université d’Ottawa, et l’Université du Québec à Montréal.