« On ne saurait espérer engendrer des changements structurants et durables dans la relation qu’entretient le peuple malien envers la justice, les droits humains et l’égalité de genre sans placer les femmes et les filles au cœur de cette démarche. »
Cette affirmation du dernier rapport L’accès différencié à la justice au Mali fait écho à la célèbre citation de Nelson Mandela selon laquelle « éduquer une femme, c’est éduquer une nation ».
Car investir dans la promotion et protection des droits des femmes et des filles ne relève pas uniquement de la justice sociale — c’est un choix stratégique pour le développement durable d’un pays.
Malheureusement, cette ambition se heurte à une réalité marquée par l’instabilité, la violence et l’impunité.
Au Mali, plus d’une décennie de conflit armé a laissé dans son sillage une crise profonde où la violence s’enracine et l’impunité prospère. Le pays est confronté depuis 2012 à une crise multisectorielle marquée par l’occupation du nord du pays par des groupes armés extrémistes et des affrontements avec les forces armées et de sécurité maliennes. Cette instabilité chronique s’accompagne de violations graves des droits humains: exécutions sommaires et extrajudiciaires, recrutement d’enfants soldats, actes de torture, pillages d’infrastructures sanitaires, violences sexuelles et autres violences basées sur le genre (VBG). Ces atrocités, documentées par les Nations Unies et dénoncées par de nombreuses organisations de défense des droits humains, restent trop souvent impunies.
Malgré la nature systémique – et souvent systématique – de ces crimes, les réponses judiciaires aux violations de droits humains en contexte de conflit armé demeurent limitées et largement insuffisantes. L’insuffisance de certaines dispositions juridiques spécifiques aux violences basées sur le genre (VBG), ainsi que les limites observées dans les mécanismes de protection des victimes et des témoins, combinées à un écart persistant entre la législation nationale et les standards internationaux en matière de droits humains, représentent des défis importants pour garantir un accès effectif à la justice. Ce contexte contribue à une impunité persistante des auteurs de violations graves des droits humains au Mali.
C’est dans ce contexte qu’Avocats sans frontières Canada (ASF Canada) a dévoilé un rapport inédit consacré à l’accès différencié à la justice au Mali. Cet outil, à la fois analytique et opérationnel, met en lumière les obstacles actuels, identifie les pratiques prometteuses et propose des solutions concrètes pour faire de la justice une réalité pour toutes et tous, partout sur le territoire. S’appuyant sur une approche comparative entre les sexes (ACS+), l’analyse repose sur des données probantes recueillies auprès d’acteurs et d’actrices clés : autorités légitimes, traditionnelles et religieuses, femmes, filles, personnes en situation de vulnérabilité, avocat·e·s, magistrat·e·s et greffier·ère·s. Les constats issus de ce travail visent à orienter des stratégies et recommandations concrètes pour lutter efficacement contre l’impunité, au Mali comme dans d’autres contextes similaires.
ASF Canada est convaincue que la participation pleine et entière des femmes, des filles et des personnes en situation de vulnérabilité aux espaces de gouvernance, y compris dans les systèmes de justice étatiques, religieux et traditionnels, est une condition essentielle pour garantir la protection et la promotion des droits humains. Cela suppose également un véritable processus d’autonomisation des femmes, des filles et des personnes en situation de vulnérabilité : l’accès à l’information juridique, la compréhension et l’exercice effectif des droits, l’engagement dans des procédures judiciaires, l’obtention de réparations, et la mise en œuvre de réformes juridiques et institutionnelles en profondeur.
Le rapport a été produit dans le cadre du projet Appui à la Justice et la Paix au Mali (JUPAX), avec le soutien financier d’Affaires mondiales Canada (AMC), qui vise à renforcer l’accès à la justice pour les femmes, les filles et les personnes en situation de vulnérabilité à travers l’autonomisation par le droit.