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24 janvier 2025

Juriste de formation, Mariam a fait partie de la toute première cohorte du programme de relève générationnelle d’ASF Canada au Mali, en 2016. Elle a commencé comme stagiaire, puis responsable de la justice transitionnelle et est maintenant responsable des services juridiques et de la lutte contre l’impunité: elle a gravi les échelons, animée par sa solidarité et son engagement envers les femmes maliennes et envers toutes les personnes qui souffrent de nombreuses injustices dans son pays. Portrait d’une femme déterminée et lucide.

 

Dans un pays où peu de femmes peuvent étudier ou accéder au marché du travail, le chemin de Mariam Bocoum est, de plusieurs façons, hors du commun. Même si elle se décrit modestement comme une jeune femme lambda, elle est consciente que son parcours n’est pas habituel. « Si j’ai pu me rendre à l’université, c’est grâce à mes parents qui ont veillé à ce que tous leurs enfants puissent poursuivre des études et avoir une carrière.» La mère de Mariam, elle, n’avait pas pu faire de même, même si elle était une élève brillante: son père avait offert un bœuf au directeur de l’école pour qu’elle ne poursuive pas ses études. 

 

Mariam est très vite consciente du rôle qu’on attend de la plupart des femmes au Mali. «Lors des vacances scolaires, je me rendais compte que des cousines avec qui je jouais l’année précédente étaient maintenant mariées, alors qu’elles étaient encore mineures. Il y a aussi beaucoup de violence conjugale. Les obstacles institutionnels pour les femmes et les filles sont nombreux. Il n’y a pas assez de protection de leurs droits dans le cadre législatif.» 

 

Pour briser le cycle des injustices que vivent les femmes maliennes, Mariam fait des études en droit. Lorsque son université recherche des candidat.e.s pour le programme de relève générationnelle d’ASF Canada au Mali, un programme qui a permis depuis sa création de former plus de 125 défenseur.se.s des droits humains, Mariam applique et fait partie des 12 personnes recrutées de la première cohorte: 8 hommes et 4 femmes. « J’ai été initiée aux questions de droits humains, un domaine qui, à mon époque, n’était pas enseigné à la faculté de droit privé. J’ai eu l’opportunité de grandir au sein d’ASF Canada mais il y a aussi des personnes dans l’organisation qui ont vu en moi le potentiel que je ne voyais pas moi-même. » 

 

Aujourd’hui, le travail en faveur des droits humains de Mariam et de ses collègues d’ASF Canada au Mali continue mais les défis sont énormes. Depuis 2012, le Mali vit une grande instabilité ponctuée de plusieurs coups d’État et de conflits et une présence de plus en plus forte des groupes armés. Certaines organisations non gouvernementales ont dû quitter le Mali, d’autres voient leurs activités réduites. La population civile souffre énormément, ce qui inquiète Mariam. « Des enfants ne peuvent plus aller à l’école, les femmes déplacées en raison du conflit sont victimes de violations de leurs droits, l’accès à l’eau et aux soins de santé est de plus en plus difficile. On voit une recrudescence des mariages précoces dans les familles qui vivent une grande pauvreté. »

 

ASF Canada poursuit ses programmes au Mali avec une rigoureuse gestion des risques et tout en s’assurant de ne pas nuire aux partenaires et aux personnes en situation de vulnérabilité. Selon Mariam, il est important de continuer de soutenir les acteurs et actrices de la justice et les défenseur.se.s de droits humains qui font une différence dans la vie des Maliennes et des Maliens. Aujourd’hui, grâce à des programmes de formation, ces personnes, dont une majorité de femmes, jouent un rôle catalyseur dans leur communauté, en permettant à d’autres femmes de prendre conscience de leurs droits et en contribuant à la résolution de conflits.  « Grâce au soutien du Canada et de la mise en œuvre des programmes d’ASF Canada au Mali, de nombreuses actions pour les femmes et la jeunesse se poursuivent et c’est important. Sur la première cohorte des 12 personnes qui ont participé au programme de relève générationnelle, 11 personnes, dont moi, travaillent dans le domaine des droits humains ou du droit en général. Nous sommes la preuve que l’autonomisation par le droit donne des résultats au Mali. »