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6 avril 2022

L’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), Avocats sans frontières Canada (ASFC), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Amnesty International (AI) expriment leurs très vives préoccupations suite aux allégations de crimes contre des civils à Moura, dans le centre du Mali. Nos organisations demandent que toute la lumière soit faite sur les incidents qui se seraient passés dans cette localité et qui auraient coûté la vie à des centaines de personnes selon des rescapés et des acteurs locaux interviewés par nos organisations. Elles appellent à ce que des enquêtes judiciaires approfondies, indépendantes et impartiales soient menées par les autorités maliennes, pour établir les faits, situer les responsabilités et le cas échéant rendre justice aux victimes.

 

Entre les 27 et 31 mars 2022, des opérations menées par les forces armées maliennes (FAMa) visant des groupes armés auraient abouti à la mort de nombreux civils à Moura, chef-lieu de la commune rurale de Togué Mourari, cercle de Djenné, dans la région de Mopti.

 

L’État-major général des Armées, a mentionné dans un communiqué en date du 1er avril, des « actions aéroterrestres» menées notamment par les forces spéciales, et annoncé un bilan de 203 membres de « groupes armés terroristes » tués, et de 51 arrestations. Dans un second communiqué diffusé le 5 avril, les autorités militaires maliennes ont déclaré que les FAMa « [faisaient] l’objet d’allégations infondées d’exactions sur les populations civiles » et réitéré que « le respect des droits de l’Homme de même que du droit international humanitaire [restait] une priorité dans la conduite de [leurs] opérations ».

 

D’après les témoignages recueillis par nos organisations, de nombreux civils, notamment des forains et des habitants du village auraient été tués au cours de cette opération, qui s’est déroulée pendant et après la foire hebdomadaire de Moura, et alors que les FAMa auraient procédé à cinq jours de blocus autour du village

 

« Pour être effective, la lutte légitime contre le terrorisme doit nécessairement se faire dans le respect strict des droits humains et notamment de la protection des populations civiles. La protection des populations est la première responsabilité des autorités de la transition. À la suite des déclarations faites par l’État-major général des Armées, l’État malien a le devoir de faire toute la transparence dans la conduite de ses opérations militaires. »

 

Maître Drissa Traoré, secrétaire-général de la FIDH

 

Nos organisations estiment que la gravité des faits allégués, qui pourraient s’ils sont vérifiés constituer des crimes de guerre, nécessite des enquêtes judiciaires approfondies et indépendantes, afin de faire toute la lumière sur ces événements.

 

« Nos organisations rappellent que les principes de distinction, de précaution, de proportionnalité comme prescrit par le droit international humanitaire doivent être respectés en tout lieu et en toute circonstance et par toutes les parties au conflit. Les attaques visant des populations civiles, ou celles conduites de façon indiscriminée, ou celles ayant un impact disproportionné sur les populations civiles, sont des crimes de guerre. »

 

Samira Daoud, directrice du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

 

Nos organisations réitèrent également leur appel aux autorités maliennes de transition et aux différentes forces présentes au Mali à faire de la protection des populations civiles une priorité absolue et effective, y compris en luttant activement contre l’impunité des auteurs de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire sans aucune discrimination.

 

« Nous appelons à la conduite d’enquêtes par les autorités judiciaires civiles maliennes en complément de la mise en place d’une commission d’enquête indépendante. Pour ce faire nous interpellons les partenaires internationaux du Mali, particulier la MINUSMA, les Nations unies, la CEDEAO, l’Union africaine ainsi que l’Union européenne à maintenir une attention accrue et un engagement constant pour la lutte contre l’impunité pour tous les auteurs de violations des droits humains. »

 

Aristide Nononsi, directeur Mali d’Avocats sans frontières Canada