• Communiqués de presse

5 juillet 2024

Avocats sans frontières Canada (ASF Canada) et Women in Law and Development in Africa (WILDAF) considèrent la décision rendue par la Cour pénale internationale (CPI) le 26 juin 2024, reconnaissant Al Hassan coupable de plusieurs crimes commis à Tombouctou par le groupe extrémiste dont il était membre, comme un pas important dans la lutte contre l’impunité au Mali.

 

Son acquittement, cependant, pour les crimes sexuels et de persécution fondée sur le genre, est une opportunité ratée pour la Cour de faire valoir la voix des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et de violences basées sur le genre commises au Mali sous le contrôle des groupes extrémistes.

 

Concernant la première infraction, le motif de la Cour repose sur le manque de preuve suffisante quant à l’implication de l’accusé pour des faits de viol, d’esclavage sexuelle constitutifs des crimes de guerre, et de viol, d’esclavage sexuel et d’autres actes inhumains prenant la forme de mariages forcés constitutifs de crimes contre l’humanité subis par les femmes et filles de Tombouctou par le groupe dont il était membre, soit Ansar Eddine et Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). La Cour considère que les crimes sexuels ont été accomplis par les membres de la police des mœurs et non ceux de la police islamique sous l’autorité d’Al Hassan. Or, les faits révèlent que des viols ont été commis dans la zone sous la responsabilité d’Al Hassan et que les membres de sa police islamique étaient impliqués dans des mariages forcés.

 

En ce qui concerne la persécution fondée sur le genre, le jugement révèle explicitement que la majorité de la Chambre de première instance a conclu que, d’une part, des membres d’Ansar Dine/AQMI ont commis le crime contre l’humanité de persécution fondée sur le genre et, d’autre part, qu’Al Hassan était pénalement responsable de ce crime en raison de sa contribution. La majorité des juges de la Chambre a conclu qu’Al Hassan a contribué à la persécution pour des motifs religieux et sexistes avec la connaissance nécessaire requise. Toutefois, Al Hassan a échappé à une condamnation pour persécution fondée sur le genre, car l’un des juges a conclu qu’il avait agi sous la contrainte. Il sied de noter que depuis l’adoption de la politique générale relative au crime de persécution liée au genre, en décembre 2022, l’affaire Al Hassan est le premier cas jugé par un tribunal international concernant cette infraction. Cependant, le résultat est loin d’être satisfaisant, au grand dam des survivant.e.s et victimes.

 

En conséquence, il convient de garder à l’esprit que la chambre a tout de même établi hors de tout doute raisonnable la commission, par les membres d’Ansar dine et AQMI, de crimes sexuels et de persécution fondée sur le genre, constitutifs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.

 

ASF Canada et WILDAF ayant accompagné des victimes et survivant.e.s dans le dépôt de leurs témoignages espéraient que la condamnation d’Al Hassan par la CPI inclurait ces crimes. D’autant plus que ces victimes rencontrent des difficultés au sein du système de justice national malien pour obtenir condamnation des auteurs de violences sexuelles liées aux conflits.

 

« Pour les victimes, il est crucial d’intensifier les efforts pour leur rendre justice, car ce verdict, bien qu’il diminue leurs espoirs immédiats, ouvre la voie à des poursuites futures plus solides contre les véritables auteurs, à la CPI ou devant les juridictions maliennes. Dans une logique de la complémentarité, ASF Canada invite le gouvernement malien, à profiter de ce premier élan créé par la décision de la CPI pour poursuivre tous les crimes internationaux perpétrés dans le cadre des conflits armés ayant éclaté en 2012 et toujours en cours, en particulier les violences sexuelles et toute persécution basée sur le genre au Mali »

 

Brian MENELET, directeur Mali d’ASFC.

 

Renseignements

 

Racki GAKOU, responsable des communications et du plaidoyer au Mali
racki.gakou@asfcanada.ca