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14 mars 2018

Par Liza Yelle
Conseillère juridique volontaire

 

Le Honduras est parfois oublié lorsque l’on parle de disparitions forcées, le territoire n’ayant pas été aussi durement touché que d’autres pays latino-américains, comme ses voisins le Guatemala et le Salvador.  Cependant, au moins 184 personnes ont été victimes de disparition forcée durant la mise en œuvre de la doctrine de sécurité nationale dans les années 1980.

 

 

Bien que ces atrocités se soient produites il y a à peine une trentaine d’années, les jeunes hondurien(ne)s sont très peu informé(e)s sur cette période sombre de leur histoire et ne sont parfois pas du tout au courant de l’existence de ces crimes à cette époque.

 

Le devoir de mémoire

 

Le Comité de familiares de detenidos desaparecidos en Honduras (COFADEH) a été fondé en 1982 par les proches de victimes de disparitions forcées des années 1980 et 1990 dans le but de retrouver les membres de leur famille et afin d’obtenir justice pour ces crimes.

 

Avec les années le mandat de l’organisation s’est peu à peu élargi et comprend maintenant la défense et représentation des victimes de violations des droits de la personne, la promotion et le renforcement des capacités ainsi que la recherche et documentation de cas.

 

Toutefois, malgré le virage vers une défense générale des droits de la personne, la préservation de la mémoire historique reste une des priorités de l’organisation.

 

La Ruta de la Memoria Historica

 

À ce jour il y a peu de progrès dans les enquêtes des disparitions forcées et aucune condamnation n’a eu lieu.  Les familles des victimes sont laissées dans le noir et leurs plaies demeurent ouvertes, n’ayant accès à aucune réponse ou vérité.

 

Afin de préserver l’histoire qui est malheureusement peu documentée et pour préserver la mémoire des victimes, le COFADEH organise la Ruta de la Memoria Historica qui revisite certains lieux en lien avec les disparitions forcées au Honduras. L’automne dernier, quelques semaines avant les élections, j’ai eu l’occasion d’accompagner un groupe d’étudiants qui prenaient part à la Ruta.

 

 

Nous avons d’abord marché dans le centre de la ville où des membres de l’organisation nous expliquaient où ils allaient manifester et réclamer aux autorités l’enquête et la recherche de leurs êtres chers dans les années 80 et 90.  Plus tard, ils nous ont emmenés dans des villages à l’extérieur de la ville, où il y avait eu des cimetières clandestins, c’est-à-dire où les corps de certains disparus ont été retrouvés. On écoute ces récits de personne qui ont vécu ces années de détresse et le souffle nous coupe à imaginer la douleur des proches des disparus.

 

Finalement, nous sommes allés visiter la Casa del Terror, un domaine aux allures d’abandon, isolé dans un champ. On devine qu’une personne aisée était le propriétaire, il y a une petite maison pour les employés sur le côté et une fontaine endommagée devant la maison.

 

L’ambiance est extrêmement lourde, on sait grâce aux témoignages de survivants et de voisins de la zone que plusieurs personnes ont étés exécutées dans la maison et d’autres torturés.

 

On peut observer des traces de balles et des marques à la craie sur les murs où les enquêteurs ont retrouvé des traces de sang. Des enquêtes qui n’aboutissent toujours à rien. La visite est bouleversante. Les histoires que racontent des survivants qui sont passés par cette maison sont effroyables et on sait qu’il y a probablement d’autres lieux comme celui-ci qu’on ne connaît pas.

 

Ne pas abdiquer

 

J’aime penser que les choses changent, que plus de 30 ans plus tard le pays et les pratiques ont évolué. Toutefois, depuis les élections du 26 novembre 2017 le pays se trouve dans une crise électorale et au moins 38 personnes ont été assassinées, la majorité par les forces de l’ordre, et une personne a été victime de disparition forcée. Il est difficile de ne pas sentir de l’impuissance face à cette horrible situation.

 

Tout ce travail et si peu de changement. Heureusement, des citoyens, comme les membres du COFADEH, continuent à croire et à se battre tous les jours à ce qui semble parfois être l’impossible.

 

Sur l’auteure

 

Liza Yelle est conseillère juridique volontaire au Honduras dans le cadre du projet Protection des droits des enfants, des femmes et autres collectivités vulnérables (PRODEF). Ce projet, réalisé grâce à l’appui d’Affaires mondiales Canada, est mené en consortium avec le Bureau international des droits des enfants.