La protection des droits des femmes reste un enjeu mondial : malgré des avancées, les inégalités persistent et les lois, bien que prometteuses, peinent souvent à être appliquées de manière concrète.
Au Bénin, la société civile se mobilise pour renforcer ces droits en collaborant étroitement avec les organes internationaux chargés de surveiller la mise en œuvre de traités clés. Une initiative récente, réalisée dans le cadre du projet PLURIELLES, illustre une approche innovante et proactive de plaidoyer en faveur d’un cadre juridique qui protège véritablement les droits des femmes et des adolescentes, en adéquation avec les standards de droit international.
Stratégie de plaidoyer : le rapport parallèle, un levier de changement
Le cœur de cette démarche repose sur la rédaction d’un rapport parallèle soumis au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). Ce rapport évalue les progrès réalisés par le Bénin dans la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Mais qu’est-ce qu’un rapport parallèle? En complément aux rapports officiels fournis par les États, ces documents rédigés par la société civile offrent une perspective critique. Ils mettent en évidence non seulement les progrès, mais aussi les lacunes qui persistent. Ce rapport parallèle offre des recommandations concrètes pour guider le Comité CEDEF et garantir que les droits des femmes soient effectivement pris en compte.
Une collaboration au service des droits des femmes béninoises
Ce rapport parallèle a été produit en collaboration avec plusieurs organisations locales : le CERADID, l’APRETECTRA, CAPACITES 21, ECPS, AVF, ASPIP, APS et Espoir Pluriel. Ces organisations unissent leurs expertises pour défendre les droits des femmes et des adolescentes au Bénin. Cette collaboration fait partie intégrante du projet PLURIELLES, une initiative financée par Affaires mondiales Canada et mise en œuvre par un consortium composé de Santé Monde, Avocats sans frontières Canada, et la Société de coopération pour le développement international.
PLURIELLES vise à renforcer les droits en matière de santé sexuelle et reproductive, notamment pour les femmes et adolescentes vulnérables ou marginalisées au Bénin, mais aussi au Mali et au Burkina Faso. Le rapport, dans ce cadre, est un outil de plaidoyer essentiel pour faire entendre les besoins des femmes béninoises auprès des instances décisionnelles internationales.
Objectifs et recommandations : bâtir un cadre juridique plus équitable
Le rapport parallèle ne se contente pas de pointer du doigt les défis auxquels le Bénin est confronté. Il vise aussi à fournir des recommandations concrètes pour que la mise en œuvre de la CEDEF se fasse conformément aux standards internationaux.
Bien que le Bénin ait réalisé des avancées dans la promotion des droits des femmes et la lutte contre les discriminations basées sur le genre, certains défis persistent. La mise en œuvre effective des lois existantes, l’adoption de nouvelles législations adaptées et le renforcement des mécanismes de soutien aux survivantes de violences basées sur le genre sont essentiels. Ces mesures visent à construire une société plus juste et à garantir que chaque femme bénéficie de la protection à laquelle elle a droit.
Le rapport exhorte les autorités béninoises à renforcer leur collaboration avec la société civile, à intensifier leurs efforts pour l’égalité et à veiller à ce que les lois soient pleinement appliquées. Il invite également le Comité CEDEF à considérer ces recommandations, pour aider le Bénin à construire une société équitable pour toutes et tous.
Nos recommandations ont porté fruit!
Bien que les recommandations adressées au Comité CEDEF ne soient pas toutes reprises textuellement, elles peuvent être considérées comme inspirées du rapport parallèle que nous avons soumis. Ces recommandations reflètent les enjeux soulevés et offrent des pistes essentielles pour orienter les actions de plaidoyer du projet PLURIELLES au Bénin.
Voici quelques-unes de ces recommandations reprises dans le rapport du comité CEDEF.
1) Mesures législatives et institutionnelles
– Formation des agents de l’État : Le rapport de PLURIELLES suggérait d’organiser une formation initiale pour les agents de l’État d’ici 2027 sur la stratégie et les procédures liées à la traite des personnes. Le Comité CEDEF précise cette recommandation en ciblant spécifiquement les acteurs judiciaires, la police des frontières, les officiers d’immigration et les travailleurs sociaux, tout en recommandant un partenariat avec les organisations de la société civile.
– Publication et diffusion des données : PLURIELLES recommande de rendre publiques des données ventilées par âge, nationalité, et forme de traite. Le Comité approfondit cette demande, en appelant à la collecte de données sur les types de trafics, l’âge des victimes, les poursuites judiciaires, et les effets des conflits sécuritaires au Sahel.
2) Prise en charge des victimes de VBG
– Campagnes de sensibilisation : PLURIELLES préconisait des campagnes annuelles pour informer sur les protocoles opérationnels standards (POS) de prise en charge VBG. Le Comité CEDEF appuie cette initiative en ajoutant une sensibilisation ciblée pour les femmes/filles vulnérables, y compris celles en situation de handicap, réfugiées, et migrantes.
– Accessibilité des POS : PLURIELLES recommande la diffusion des POS dans les langues locales et sous des formats adaptés d’ici 2030. Le Comité CEDEF reprend cette recommandation en soulignant la vulgarisation et l’accessibilité des informations sur l’aide juridique.
– Centres d’accueil et d’hébergement : En réponse à l’absence de centres intégrés de prise en charge (CIPEC-VBG), le Comité recommande l’établissement de centres d’hébergement d’urgence et de prise en charge holistique pour les survivantes de VBG, répondant ainsi à l’appel de PLURIELLES.
– Renforcement des capacités judiciaires : Le Comité soutient l’appel à renforcer les capacités des acteurs judiciaires et recommande également la désignation de personnel féminin dans le système judiciaire pour mieux soutenir les victimes.
Ce rapport montre que les recommandations de PLURIELLES influencent de manière significative les discussions au Comité CEDEF, renforçant ainsi l’impact des initiatives de plaidoyer au Bénin
Inspirer l’action collective
Les rapports parallèles offrent un exemple puissant d’un plaidoyer collaboratif pour un monde plus juste et plus égalitaire, dans lequel les droits des femmes ne sont pas seulement des promesses, mais une réalité. Ce travail collectif, en partenariat avec les instances internationales et les gouvernements, permet de faire entendre les voix des personnes souvent marginalisées, en mettant en avant des recommandations fondées sur les réalités du terrain.
Ce rapport parallèle illustre l’importance de la persévérance et de l’engagement collectif. Les organisations et les individus peuvent jouer un rôle crucial en influençant les législations nationales pour qu’elles soient véritablement protectrices des droits de toutes les femmes. C’est une invitation à agir, ensemble, pour défendre les droits humains.