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16 juin 2021

Avocats sans frontières Canada (ASFC), en collaboration avec le Partenariat canadien pour la justice internationale (PCJI), appelle le gouvernement du Canada à prendre ses responsabilités et à lutter contre les crimes contre l’humanité et crimes de guerre, en particulier dans le cas de Jorge Vinicio Sosa Orantes, soupçonné d’avoir participé à un massacre au Guatemala en 1982.

 

Monsieur Sosa Orantes, ancien sous-lieutenant de l’armée guatémaltèque, vit paisiblement au Canada depuis plusieurs mois, quarante ans après que l’unité spéciale à laquelle il appartenait ait battu, torturé et sauvagement assassiné plus de 200 personnes – incluant des enfants – éliminant ainsi la presque totalité de la population civile du village guatémaltèque de Las Dos Erres.

 

En vertu du principe de la compétence universelle, la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre donne au gouvernement canadien le pouvoir d’engager des poursuites criminelles contre M. Sosa Orantes. La compétence universelle peut être utilisée pour les crimes les plus graves perpétrés dans un autre pays, comme celui du massacre de Las Dos Erres. La personne soupçonnée du crime doit être présente au Canada.

 

L’un des deux seuls survivants du massacre de Las Dos Erres vit aujourd’hui au Canada. Ramiro Osorio Cristales s’est réfugié au pays il y a un peu plus de vingt ans, après avoir vécu l’enfer aux mains d’un des soldats de l’unité spéciale responsable du massacre. Sa quête pour obtenir justice dure depuis.

 

« Prendre conscience qu’un des soldats présents ce jour-là pourrait aujourd’hui passer devant ma maison m’a ramené en 1982, au moment où mon village a été plongé dans le noir. De tous les habitants, je suis l’une des deux seules lumières qui ont continué à briller. Obtenir justice est mon devoir. C’est à travers la voix de celles et ceux qui sont décédés que je demande au gouvernement canadien de se joindre à moi et à Avocats sans frontières Canada dans cette quête, en engageant des poursuites criminelles contre Jorge Vinicio Sosa Orantes. »

 

Ramiro Osorio Cristales, survivant du massacre de Las Dos Erres

 

Depuis 2017, M. Sosa Orantes fait face à une procédure de révocation de sa citoyenneté canadienne entamée par le gouvernement du Canada devant la Cour fédérale. Toutefois, en se contentant d’une telle procédure, le Canada ne touche pas le cœur de l’affaire, soit la responsabilité de M. Sosa Orantes dans la perpétration du massacre de Las Dos Erres, au risque que justice ne soit jamais rendue.

 

« Le dossier de M. Sosa Orantes est une opportunité pour le Canada de démontrer son engagement à lutter contre l’impunité dans les cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ainsi que sa solidarité envers les victimes de tels crimes et leur famille. Le Canada dispose des outils et des ressources pour affirmer son leadership et agir concrètement en faveur de la justice et des droits humains à l’échelle internationale. En ne saisissant pas l’opportunité de juger les criminels de guerre, le Canada leur permet de vivre paisiblement une nouvelle vie sans jamais avoir à répondre de leurs actes. Cela ne devrait plus être une option. »

 

Me Pascal Paradis, directeur général d’ASFC

 

Le Programme sur les crimes de guerre canadien : un mirage dans la lutte contre l’impunité

 

Même si le Canada a le pouvoir de lutter contre l’impunité, il ne démontre pas une réelle volonté d’agir. En continuant à s’en remettre uniquement aux mesures en matière de citoyenneté et d’immigration, le Canada ne satisfait pas à ses obligations en vertu du droit international de lutter contre l’impunité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

 

« Le Canada dispose des moyens, juridiques et financiers, et de la preuve pertinente, pour poursuivre M. Sosa Orantes ici. Malheureusement, comme dans plusieurs centaines d’autres cas depuis 1998, le Canada prend la voie de la facilité et ignore ses responsabilités internationales. Dans le système actuel de lutte contre l’impunité des crimes internationaux, ce sont les États qui ont la responsabilité de juger les criminels de guerre. Si on ne le juge pas ici pour sa participation à ce massacre, justice ne sera rendue nulle part, au détriment des droits fondamentaux des victimes et de l’État de droit. »

 

Me Fannie Lafontaine, directrice du PCJI

 

Bien que le Programme sur les crimes de guerre canadien soit actif, le budget qui lui est alloué n’a connu pratiquement aucune augmentation depuis sa création en 1998, et manque de transparence quant à la manière dont sont utilisés les fonds. Aucun rapport d’activités n’a été rendu public depuis six ans. Encore aujourd’hui, les critères qui guident le pouvoir discrétionnaire d’entamer des poursuites ou non demeurent flous.

 

En plus de 20 ans, seulement deux poursuites criminelles ont été menées en vertu de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Plusieurs autres pays font beaucoup mieux.