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18 avril 2024

LA CJ-CEDEAO a rejeté les arguments quant au non-respect de l'État du Mali de ses obligations de garantir un procès équitable et d’enquêter de manière adéquate concernant des cas de violences sexuelles liées aux conflits armés perpétrées à Gao, au Mali, entre 2012 et 2013.

Le Collectif Cri de Cœur (CCC), ses avocats et Avocats sans frontières Canada (ASF Canada) expriment leur vive déception à la suite de la décision rendue le 29 janvier 2024 par la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CJ-CEDEAO) au sujet de cas de violences sexuelles liées aux conflits armés perpétrées à Gao, au Mali, qui envoie un signal contradictoire dans la lutte contre l’impunité de ce type de violations des droits humains en Afrique de l’Ouest.

 

Une décision contraire aurait permis d’obliger l’État malien à se conformer à ses obligations d’enquêter, de poursuivre et de juger les auteurs de violences sexuelles liées aux conflits armés; et de faire valoir le droit pour les victimes et survivant.e.s de faire entendre leur cause.

 

Pour rappel, entre janvier 2012 et avril 2013, la ville de Gao a été le théâtre de violations graves des droits humains, en particulier de faits de viols et de mariages forcés, alors qu’elle était sous le contrôle d’acteurs armés non étatiques. Devant l’absence d’enquête et de poursuite à l’égard des auteurs de ces crimes, CCC, appuyé par ASF Canada, a déposé une plainte en 2018 contre l’État malien lui reprochant d’avoir contrevenu à ses obligations internationales et régionales en matière de protection des droits humains.

 

La CJ-CEDEAO, prenant acte des allégations de manquement de l’État du Mali à ses obligations de garantir un procès équitable, s’est appuyée sur la création du Pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, et les travaux de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) pour rejeter les arguments alléguant que l’État n’a pas enquêté de manière adéquate.

 

Ce jugement de la CJ-CEDEAO ne prend pas en compte la manière dont ces entités n’ont pas répondu aux attentes des victimes en matière de justice. En effet, depuis sa création, on constate une stagnation des procédures dont est saisie ce mécanisme; qui plus est, aucun des dossiers de violences sexuelles liées aux conflits armés n’a conduit à un procès pour le moment. La CVJR quand à elle n’a pas encore publié son rapport final et les réparations qui devaient profiter aux victimes ne se sont pas matérialisées.

 

Plus encore, l’existence de mécanismes non judiciaires de justice transitionnelle ne devrait pas constituer un frein au recours aux mécanismes judiciaires. Au contraire, ils sont complémentaires. Les victimes ont le droit d’obtenir justice dans un délai raisonnable dans le cadre d’un procès équitable.

 

« Cette décision est une occasion ratée de rendre aux survivantes la protection et le soutien qu’elles méritent dans leur démarche de justice, de réparation et de vérité », soutient Almahady Moustapha CISSÉ, président du Collectif de Cri de Cœur.

 

« Nous respectons le jugement de la Cour, mais réaffirmons que l’État malien a le devoir de respecter ses obligations nationales et internationales pour le respect des droits humains et des victimes et survivant.e.s d’atrocités. Il s’agit donc, pour l’État du Mali, de mettre à disposition les ressources nécessaires pour mettre fin à l’impunité, en particulier contre les violences basées sur le genre. Nous continuerons à investir tous les efforts et l’expertise nécessaires pour l’accompagner dans cet objectif », souligne Brian MENELET, directeur Mali d’ASFC.

 

Cette décision défavorable de la CJ-CEDEAO risque de miner les efforts déployés par les organisations de la société civile (OSC) maliennes dans leur lutte acharnée pour que les survivant.e.s puissent obtenir justice et réparation. Elle risque aussi de mettre à mal la confiance déjà fragile de la population malienne envers les juridictions nationales, au moment même où leur rôle est le plus important.

 

Les survivant.e.s, les associations des victimes, OSC et ASF Canada restent mobilisé.e.s pour trouver des solutions juridiques leur permettant d’obtenir une réparation et ce presque 10 ans après la commission des faits.

 

Renseignements 

 

Mr. Almahady Moustapha CISSÉ, Président du Collectif Cri de Coeur

cridecoeurmali@gmail.com

 

Mme. Danouchka ASSOUMOU, coordinatrice juridique, Avocats sans frontières Canada au Mali
danouchka.assoumou@asfcanade.ca